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Gilles Bœuf: "Sans l'océan, le climat aurait déjà beaucoup plus dérivé qu'aujourd'hui"

Ouverture du premier sommet mondial de l’océan: interview de Gilles Bœuf
Ouverture du premier sommet mondial de l’océan: interview de Gilles Bœuf / La Matinale / 9 min. / le 8 février 2022
Placer l'océan au coeur des préoccupations: c'est l'ambition du sommet "Un océan" qui réunira, dès mercredi, scientifiques, ONG, politiques et entrepreneurs à Brest, en France. Invité mardi dans La Matinale, le biologiste et spécialiste des mers et des océans Gilles Bœuf estime qu'on ne peut plus parler du climat sans parler du vivant. "Et l'océan, c'est une grande partie du vivant."

La planète bleue: la Terre tire ce surnom des 75% d'eau qui la compose. A eux seuls, les océans occupent 70% de la surface du globe. Aucune réunion internationale n'est pourtant consacrée à la défense de ce bien commun.

Voulu par le président Emmanuel Macron dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, le One Ocean Summit – du 9 au 11 février à Brest – vise à obtenir des engagements pour mieux protéger les océans.

>> Les explications de La Matinale sur le "One Ocean Summit" :

Placer l'océan au coeur des préoccupations: c'est l'ambition du sommet "Un océan" qui réunira scientifiques, ONG, politiques et entrepreneurs du 9 au 11 février en France, espérant donner un coup d'accélérateur sur plusieurs dossiers internationaux cruciaux autour des mers. [KEYSTONE - NASA/ASTRONAUT KAYLA BARRON HANDOUT]KEYSTONE - NASA/ASTRONAUT KAYLA BARRON HANDOUT
En France, un sommet pour mobiliser les Etats en faveur de l'océan / La Matinale / 1 min. / le 8 février 2022

"Il a fallu attendre la COP21 en 2015 à Paris pour que le 'monde océan' apparaisse dans le rapport final, alors que l'océan est le principal régulateur du climat", insiste Gilles Bœuf, biologiste et spécialiste des mers et des océans, mardi dans La Matinale. "Le drame de l'océan, c'est qu'on l'oublie toujours, parce qu'il n'y a personne qui vote ou qui est élu dans l'océan."

Le drame de l'océan, c'est qu'on l'oublie toujours, parce qu'il n'y a personne qui vote ou qui est élu dans l'océan

Gilles Bœuf, biologiste et spécialiste des mers et des océans

Et d'ajouter: "On a huit fois plus parlé de climat que du vivant. Mon combat est de dire: on ne peut plus parler du climat sans parler du vivant. Et l'océan, c'est une grande partie du vivant. (...) On peut y trouver un tas de secrets pour la recherche fondamentale. C'est chez les étoiles de mer et les oursins, par exemple, qu'on a découvert il y a une vingtaine d'années la molécule du cancer."

Un seul océan

Le biologiste et spécialiste des mers et des océans souligne que l'océan – il préfère parler "d'un seul océan mondial avec plein de mers " – joue un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique.

"L'océan a absorbé 93% de l'excès de chaleur dû aux émissions de gaz à effet de serre", explique-t-il. "Il absorbe aussi un tiers de tout le CO2 qu'on émet en excès. La face cachée, c'est que l'océan s'asphyxie. Il joue un rôle fantastique. Sans l'océan, le climat aurait déjà beaucoup plus dérivé qu'aujourd'hui."

Plus grand écosystème de la Terre

Gilles Bœuf rappelle que les océans sont le plus grand écosystème sur la Terre, qu'ils nourrissent les populations et qu'ils abritent 300'000 espèces connues. Pour autant, ils restent mal connus et mal protégés. "On a un petit océan au sein de chacun d'entre nous", image-t-il. "Lors de votre prochaine prise de sang, vous verrez 140 mmol/l de sodium et 105 de chlorure. Et bien, c'est la naissance de la vie dans l'océan il y a 4 milliards d'années."

Lors de votre prochaine prise de sang, vous verrez 140 mmol/l de sodium et 105 de chlorure. Et bien, c'est la naissance de la vie dans l'océan il y a 4 milliards d'années

Gilles Bœuf, biologiste et spécialiste des mers et des océans

Avant de compléter: "Tous les ancêtres des animaux qu'on connaît aujourd'hui viennent de l'océan. La vie est apparue dans l'océan et pendant très longtemps, elle n'a été que là. Aujourd'hui, on ne le considère pas, parce que c'est une poubelle."

Pour Gilles Bœuf, chacun doit "avoir la culture de l'impact" pour mieux appréhender les questions du climat et de la biodiversité. Il croit aussi beaucoup à la prise en compte des questions environnementales par les entreprises, même si avec certaines "je ne veux pas discuter", dit-il. Car elles sont "davantage préoccupées par le profit à court terme".

Propos recueillis par Valérie Hauert/vajo

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