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La gigantesque menace du glacier de l'Apocalypse, en Antarctique

La langue glaciaire de Thwaites, en Antarctique. Cet immense glacier est surnommé "le glacier de l'Apocalypse". [Keystone - NASA]
Thwaites, le glacier de lʹapocalypse / CQFD / 9 min. / le 28 mars 2022
Avec le réchauffement climatique, le glacier Thwaites, situé en Antarctique, pourrait tomber dans l'océan d'ici trois à cinq ans, selon des estimations. De la taille de la Grande-Bretagne, il provoquerait une élévation globale du niveau des mers pouvant aller jusqu'à trois mètres.

Le glacier Thwaites est situé à la frontière occidentale du continent antarctique et, le 15 décembre 2021, une étude américaine a alerté sur sa potentielle disparition à une échelle très courte, de trois à cinq ans. Son volume est tel que, s'il tombait dans l'océan, le niveau de la mer pourrait monter de trois mètres, d'où son surnom de "glacier de l'Apocalypse".

Une grande partie de l'inlandsis* de l'Antarctique occidental s'écoule vers l'océan via le glacier Thwaites, qui s'étend sur 192'000 kilomètres carrés, soit une superficie équivalente à celle de la Floride ou de la Grande-Bretagne.

Thwaites est aussi l'un des glaciers de l'Antarctique qui évolue le plus rapidement: à cheval sur le substrat rocheux le plus profond de l'Antarctique, sa sensibilité aux changements est accrue. A lui seul, ce glacier contribue à hauteur de 4% à l'élévation du niveau de la mer à l'échelle mondiale... autant dire son importance.

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Une fonte qui s'accélère

Au cours des trente dernières années, la quantité de glace s'écoulant de cette région de 120 kilomètres de large a doublé. Et, autre facteur d'inquiétude, à la mi-mars, des température de 30 à 40 degrés au-dessus des normes saisonnières on été enregistrées en Antarctique: "Tous les scientifiques ont été vraiment surpris par l'ampleur du réchauffement", précise Samuel Jaccard, paléoclimatologue à l'Université de Lausanne.

"A titre de comparaison, pour mettre ce réchauffement en perspective: lors de la vague de chaleur de 2003 – qui a eu des conséquences extrêmement dramatiques – le réchauffement était de l'ordre de quelques degrés. Peut-être 4 ou 5 au-delà des normes saisonnières sous nos latitudes. Donc vous pouvez imaginer ce qu'un réchauffement de 40 degrés au-delà des normes saisonnières peut engendrer!", dit-il au micro de CQFD.

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Comme si, pendant notre été helvète, le mercure montait jusqu'à 70° au lieu des 30° habituels. "Dans ce contexte là, comme c'est un événement qui est encore fort heureusement inédit, son attribution directe au changement climatique reste difficile à établir pour le moment. Cela dit, tous les modèles, et même les observations, montrent que ces événements extrêmes – qui sont liés à la température et aux précipitations – vont augmenter avec l'augmentation des températures au niveau global".

Un rôle important

La plateforme de glace flottante du glacier Thwaites est stabilisée au large par un haut-fond marin et agit comme un barrage pour ralentir l'écoulement de la glace du continent vers l'océan: "On a déjà observé une accélération du flux de ces glaciers qui est notamment lié à la fonte de la langue glaciaire qui se termine dans les océans", explique ce spécialiste des pôles.

Et cette langue ne doit pas être confondue avec la banquise: "Ce sont deux choses différentes. La langue glaciaire a un rôle de verrou: elle maintient et limite le flux de ces immenses glaciers. Une fois que ce verrou disparaît, les vitesses de flux peuvent augmenter de manière catastrophique. Un peu à l'image d'une bouteille de champagne qu'on secouerait. Le bouchon, tant qu'il tient, rien ne se passe… mais une fois qu'il saute, on a un déversement catastrophique de ces glaces-là".

Si la plateforme flottante se brise, le glacier Thwaites accélérera sa chute dans les eaux océaniques et sa contribution à l'élévation du niveau de la mer augmentera de 25%, préviennent les scientifiques. Chaque année, ce glacier perd déjà cinquante milliards de tonnes de glace.

>> Au cours des dernières années, les images radar par satellite montrent que de nombreuses nouvelles fractures s'ouvrent : La plateforme de glace orientale de Thwaites (TEIS), sa zone fragile (weak zone), et sa langue de glace (Ice Tongue), les 28 décembre 2015 (gauche) et 31 mars 2021. La TEIS soutient un tiers du glacier de Thwaites. Son enlèvement pourrait augmenter la contribution du glacier Thwaites à l'élévation du niveau de la mer jusqu'à 25%. [Sentinel-1/ESA - Erin C. Pettit, Oregon State University]
La plateforme de glace orientale de Thwaites (TEIS), sa zone fragile (weak zone), et sa langue de glace (Ice Tongue), les 28 décembre 2015 (gauche) et 31 mars 2021. La TEIS soutient un tiers du glacier de Thwaites. Son enlèvement pourrait augmenter la contribution du glacier Thwaites à l'élévation du niveau de la mer jusqu'à 25%. [Sentinel-1/ESA - Erin C. Pettit, Oregon State University]

Bouchon de champagne et pare-brise

Dans son étude de mi-décembre, l'équipe de recherche fait une comparaison avec une fissure qui s'agrandit sur le pare-brise d'une voiture: sa fragilité augmente et il suffit d'une petite bosse sur la route pour que la vitre éclate en centaines de petits morceaux de verre: "Nous avons cartographié les zones les plus faibles et les plus fortes de la plate-forme de glace et suggérons un chemin en 'zigzag' que les fractures pourraient emprunter à travers la glace, conduisant finalement à la rupture de la plateforme en seulement cinq ans, ce qui entraînerait une augmentation de l'écoulement de la glace du continent", précise le texte.

"A titre personnel, sans être un grand expert, je reste encore assez perplexe à l'idée que ce glacier pourra disparaître en trois à cinq ans. Mais, même s'il devait disparaître à l'horizon de vingt, trente, quarante ou même cent ans – avec pour conséquence l'élévation du niveau marin de trois mètres – cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour plein de pays, et beaucoup de villes qui sont construites au bord de la mer et des océans", souligne Samuel Jaccard.

"Même si le niveau des mers ne devait augmenter que d'une dizaine de centimètres sur dix, vingt ou quarante ans, cela aurait déjà des conséquences catastrophiques sur les infrastructures", ajoute-t-il.

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* Un inlandsis – du danois "glace de l'intérieur du pays" – est un glacier de très grande étendue (plus de 50'000 kilomètres carrés), s'écoulant dans différentes directions sur un socle rocheux. Une calotte glaciaire qui se présente sous la forme d'une nappe de glace recouvrant la terre ferme et pouvant atteindre plusieurs milliers de mètres d'épaisseur. Il peut se prolonger à la surface de la mer en formant des barrières de glace.

Sujet radio: Bastien Confino

Version web: Stéphanie Jaquet

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L'étude du glacier Thwaites

La National Science Foundation (NSF) des États-Unis et le Natural Environment Research Council (NERC) du Royaume-Uni ont uni leurs forces pour soutenir huit projets de recherche et de modélisation distincts, auxquels participent plus de soixante scientifiques, étudiantes et étudiants, afin d'étudier cette région en rapide évolution dans le cadre de l'International Thwaites Glacier Collaboration (ITGC).

>> Pour suivre l'évolution de ce glacier sur le net: Thwaites-Explorer

Ce site permet l'exploration du glacier Thwaites en sélectionnant un sujet pour faire apparaître une carte interactive. En cliquant sur le continent, les données intégrées dans les images apparaissent.