Pour François Gemenne, les démocraties ne sont pas capables de lancer une action significative pour le climat
Lundi soir, l'émission "C ce soir" de la chaîne de télévision France 5 accueillait François Gemenne, scientifique et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU, qui s'est récemment engagé dans le groupe Europe Ecologie-Les Verts (EELV) en tant que président du conseil scientifique pour soutenir la candidature à l'élection présidentielle de Yannick Jadot.
Lors de son interview, l'expert a fait part de son désarroi face à l'inaptitude de la classe politique à apporter des solutions à la crise environnementale.
"Je ne pense pas que la démocratie soit capable aujourd'hui de mettre en oeuvre les changements nécessaires à la transformation" climatique, a assené François Gemenne sur le plateau de l'émission. "Je ne crois plus du tout à la capacité de la politique à changer" la situation, a-t-il encore ajouté.
La défense d'intérêts et non d'une cause
Invité dans Forum jeudi, François Gemenne est revenu sur ses propos. Le scientifique estime que la démocratie représentative révèle aujourd'hui ses limites dans l'engagement d'actions "vraiment significatives et transformatrices pour le climat". Mais le désarroi du Belge n'est pas dirigé contre la classe politique, a-t-il expliqué au micro de la RTS, "qui est elle-même prisonnière d'un système qui voit la population comme une sorte de grand marché électoral dont il faut se disputer les parts".
"Le problème est que chaque parti représente les intérêts d'une catégorie d'électeurs et défend ses intérêts. Mais personne ne défend véritablement les intérêts du climat, car en réalité si on vote pour le climat, on va souvent demander aux gens de voter contre leurs intérêts et pour une cause", a argumenté François Gemenne.
Le chercheur considère ainsi que les personnes pouvant se permettre de voter pour les programmes ambitieux en matière de climat appartiennent à une catégorie de gens aisés dont la vie "n'est pas véritablement influencée par la politique".
Des pistes à chercher ailleurs
Selon François Gemenne, les solutions pour faire face à la crise climatique sont à chercher hors de la sphère politique. "Je pense désormais que le changement, s'il advient, viendra de minorités très déterminées dans les entreprises, dans les municipalités ou dans la société civile", avançait-il lundi dans l'émission "C ce soir".
Il ne faut pas trop remettre les clés du changement dans les mains des seuls gouvernements, sinon nous allons au-devant de graves désillusions
Revenant sur sa brève expérience politique chez les écologistes, le scientifique s'est dit choqué "par la violence et la logique de camp, où vous n'êtes jamais assez pur ou radical, et si vous essayez de parler aux autres, vous êtes reniés par votre propre camp". "Dans un Parlement, il y a toujours divers intérêts représentés qui sont par nature contradictoires. La démocratie va essayer de trouver un consensus acceptable pour ces différents intérêts, mais on ne va jamais placer le climat au-dessus de ces intérêts", a-t-il déploré.
La climatologue et conseillère nationale verte Valentine Python partage en partie ce constat. Au Parlement suisse, "où la gauche est confrontée à une majorité de droite qui freine le plus possible l'adoption de mesures fortes qui seraient à la hauteur de l'urgence climatique et écologique", le rapport de force est défavorable, a souligné la Vaudoise dans Forum. Mais pour elle, la politique revêt tout de même de l'importance: "Il faut prendre le pouvoir de l'intérieur", a-t-elle affirmé.
Si François Gemenne s'accorde sur la nécessité d'un système parlementaire et législatif, il estime qu'il existe d'autres moyens d'action. "La démocratie ne se réduit pas aux élections. On attend parfois trop des gouvernements. Il ne faut pas trop remettre les clés du changement dans les mains des seuls gouvernements, sinon je crois que nous allons au-devant de graves désillusions", a conclu le scientifique.
Propos recueillis par Mehmet Gultas
Adaptation web: Isabel Ares