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Du loup au chat, de l'auroch au cheval, la domestication a changé l'histoire humaine

Du loup au chat, de l'auroch au cheval, la domestication a changé l'histoire humaine
Du loup au chat, de l'auroch au cheval, la domestication a changé l'histoire humaine
Au fil de leur évolution, les humains sont entrés en interaction étroite avec d'autres espèces, en particulier à travers la domestication. Ce processus complexe a profondément transformé le rapport à la nature et aux autres espèces, mais il a aussi chamboulé l'histoire des sociétés humaines.

La domestication animale a révolutionné l'histoire de l'humanité en nous donnant des super-pouvoirs: chasser plus efficacement, se déplacer plus vite et plus loin ou produire davantage de nourriture. Pourtant, ce processus complexe de sélection artificielle reste difficile à définir précisément, souligne l'historienne des sciences Valérie Chansigaud, spécialiste de la perception de la nature par l'être humain et autrice d'une "Histoire de la domestication animale" (Delachaux et Niestlé, 2020).

"Il s'agit réellement d'une transformation biologique des espèces, par la sélection, génération après génération, d'individus ayant certaines caractéristiques", explique-t-elle. En gardant notamment les individus les plus dociles à chaque génération. "La finalité, c'est transformer des animaux sauvages pour qu'ils supportent les conditions d'élevage", poursuit la naturaliste.

Le rapport de l'humain aux autres espèces animales n'a ainsi cessé d'évoluer. Et à l'heure où les questionnements se multiplient, avec l'avancée de la recherche scientifique et l'avènement de mouvements comme l'antispécisme ou le véganisme, La Matinale propose une plongée dans l'histoire de la domestication pour mieux comprendre ces liens.

Épisode 1: une histoire complexe et parfois surprenante

Les premières domestications pourraient avoir commencé il y a plus de 50'000 ans, quelque part en Eurasie. De tels processus pourraient avoir été amorcés plusieurs fois, dans plusieurs endroits différents, sans forcément aboutir partout. Car pour arriver à un résultat prédéfini, il faut beaucoup de temps, d'abnégation et de suite dans les idées - ou alors beaucoup de chance - afin qu'une transformation notable apparaisse au fil des portées. Ce qui pose la question des motivations de départ.

Le loup est le premier animal à avoir été domestiqué par l'humain. [Keystone]
Le loup est le premier animal à avoir été domestiqué par l'humain. [Keystone]

Dans le cas du loup, première domestication connue de l'histoire de l'humanité, c'est peut-être lui qui a commencé à s'approcher de l'humain - pour ses restes de nourriture - avant de devenir assez coopératif pour faire un excellent auxiliaire de chasse. Pour d'autres espèces, les hypothèses sont parfois plus suprenantes.

C'est le cas de l'auroch, ancêtre de la vache dont on aurait commencé l'élevage non pour sa viande ou son lait, mais à des fins rituelles. L'hypothèse repose sur la découverte en Chine de traces archéologiques de cérémonies reposant sur le sacrifice simultané de centaines de bovins, tous du même âge, du même sexe et présentant les mêmes caractéristiques physiques. "C'est impossible à obtenir en allant simplement chercher dans la nature. Il est clair que pour avoir cette d'abondance, la mise en élevage est nécessaire", souligne Valérie Chansigaud.

Impact sur l'évolution humaine

Par ailleurs, il n'y a pas que les autres espèces qui ont été affectées, voire transformées, par l'élevage. Celui-ci pourrait avoir joué un rôle dans la compétition entre les humains. Selon certaines hypothèses, il aurait pu contribuer à la disparition du Néandertal face à l'Homo Sapiens, dont les chiens de chasse l'aidaient à s'accaparer les proies.

"L'impact des guerres est aussi différent selon que les troupes soient à pied ou à cheval", rappelle Valérie Chansigaud. Elle cite notamment les grandes conquêtes mongoles à l'époque de Ghenghis Khan: "Les grandes traversées, au moment des guerres mongoles, ont ravagé un territoire allant quasiment des portes du Japon jusqu'à Moscou. Cela a eu un impact géopolitique considérablement accru par rapport à ce qui aurait été possible si les Mongols avaient été à pied."

>> Écouter l'épisode 1 de la série :

Un auroch dans une grotte préhistorique en Dordogne. [AFP - Michel Denis-Huot/Hemis.fr]AFP - Michel Denis-Huot/Hemis.fr
La domestication animale (1/5): le loup et l’auroch / La Matinale / 5 min. / le 27 juin 2022

Épisode 2: le chien

Sa réputation de "meilleur ami de l'Homme", le chien ne l'a pas usurpée. Cela fait des dizaines de milliers d'années que nous l'ajustons, avec minutie, de réglage en réglage, pour qu'il colle à l'image que nous nous faisons d'un fidèle compagnon. Difficile de déterminer avec précision depuis combien de temps, mais la fourchette est estimée entre 40'000 et 15'000 ans, explique Luca Fumagalli, spécialiste de la génétique des populations sauvages à l'Université de Lausanne.

Son comportement de prédateur, son intelligence et sa structure sociale ont fait du loup un candidat idéal à la toute première domestication humaine sur un animal. Une étude suggère même que sa très longue sélection aurait favorisé une mutation qui, chez l'être humain, cause le syndrome de Williams, une maladie caractérisée notamment par une hypersociabilité, et qui pourrait contribuer à expliquer les débordements d'enthousiasme et d'affection dont sont capables aujourd'hui nos compagnons canins. En parallèle, ceux-ci sont devenus bien plus dépendants.

>> Écouter l'épisode 2 de la série :

Un chien sur un sarcophage gallo-romain. [AFP - Manuel Cohen]AFP - Manuel Cohen
La domestication animale (2/5): le chien / La Matinale / 5 min. / le 28 juin 2022

Épisode 3: le chat

À l'inverse du chien, le chat est resté tellement indépendant qu'on se demande s'il a vraiment été domestiqué. Et pour cause: cela peut surprendre les personnes qui ont une relation proche avec leur chat, mais pour beaucoup de spécialistes, ce n'est pas véritablement une espèce domestique.

Pourtant, avec 1,7 million d'individus en 2020, trois fois plus que le chien, le chat est l'animal de compagnie le plus courant en Suisse. Pour expliquer cela, Valérie Chansigaud rappelle qu'entre les animaux sauvages et les formes parfaites de domestication, il y a une immense zone grise avec plein d'états intermédiaires.

>> Lire aussi sur ce sujet : Le chat, ce nouveau chien

Le chat possède ainsi encore des caractéristiques sauvages tout en étant capable d'avoir des interactions avec l'humain. Le rapprochement pourrait quant à lui avoir coïncidé avec l'apparition de l'agriculture. L'accumulation de graines à semer a dû attirer les rongeurs, qui ont à leur tour appâté les chats. Plutôt qu'une sélection consciente, ce serait plutôt ce processus qui aurait favorisé les chats osant davantage s'aventurer près des humains.

>> Écouter l'épisode 3 de la série :

Une statue égyptienne de chat découverte à Alexandrie. [AFP - Supreme Council of Antiquities]AFP - Supreme Council of Antiquities
La domestication animale (3/5): le chat / La Matinale / 5 min. / le 29 juin 2022

Épisode 4: l'humain domestiqué

Charles Darwin, en son temps, avait observé que les espèces domestiques partagent entre elles un ensemble de caractéristiques physiques et comportementales différentes de celles de leurs alter-egos sauvages. Désormais, des scientifiques font remarquer que l'être humain partage lui-même certains de ces traits distinctifs. Si bien que l'on pourrait se poser la question: l'humanité aurait-elle domestiqué... l'humanité elle-même?

Une hypothèse qu'il est bien difficile de démontrer, mais loin d'être absurde. Elle s'appuie sur plusieurs observations concrètes et titille pas mal de monde depuis pas mal de temps.

>> Plus d'explications dans l'épisode 4 de la série :

L'évolution de l'être humain. [AFP - Nick Veasey/Science Photo Library]AFP - Nick Veasey/Science Photo Library
La domestication animale (4/5): l’humanité / La Matinale / 5 min. / le 30 juin 2022

Épisode 5: la fourmi et ses pucerons

Les exemples d'espèces domestiquées par l'être humain ne manquent pas. Mais il n'est peut-être pas le seul à l'avoir pratiquée. Le processus est si long et complexe qu'il est ardu de déterminer s'il s'agit réellement du même phénomène, mais quelques exemples y ressemblent fortement et donnent un aperçu de la manière dont un rapprochement entre des espèces différentes peut s'amorcer.

Certaines grosses araignées protègent et nourrissent parfois des petites grenouilles, qui en retour protègent les oeufs de l'arachnidé. Une étude a mis en évidence un phénomène similaire entre certains poissons-demoiselles et des petites crevettes. Mais l'exemple le mieux documenté de relation proto-domestique entre des espèces non humaines concerne les fourmis, qui élèvent des pucerons pour les traire. Une interaction qui, au fil des générations, a aussi transformé ses protagonistes, souligne Adria Le Boeuf, professeure assistante au Laboratoire des fluides sociaux de l'Université de Fribourg.

>> Écouter l'épisode 5 de la série:

Sujets radio: Lucia Sillig

Adaptation web: Pierrik Jordan

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