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Scrutés sur les réseaux sociaux, les jets privés doivent-ils être interdits?

Scrutés sur les réseaux sociaux, les jets privés doivent-ils être interdit? [KEYSTONE - LAURENT GILLIERON]
Jets privés pour l'exemple / Tout un monde / 8 min. / le 1 septembre 2022
Les déplacements des célébrités, des personnalités politiques et des grands patrons en jet privé est l'une des sagas de l'été. Des voix se font entendre pour les interdire ou les taxer plus lourdement.

Réservé jusqu'à présent aux passionnés d'aviation, le "flight-tracking" ou traçage des avions a pris de l'ampleur. Les sites spécialisés comme ADS-B Exchange ou FlightRadar24, de simples internautes ou encore des "bots", des robots, sur Twitter ou Instagram dévoilent sans filtre les déplacements des jets privés.

En Suisse, où l'industrie des jets privés est fleurissante, les vols des aéronefs sont depuis peu scrutés par @ca_plane_pourquoi_ sur Instagram.

En France, les profils "I fly Bernard" sur Twitter et sur Instagram @laviondebernard, qui dénombrent près de 150'000 abonnés, suivent notamment l'avion du groupe LVMH, l'entreprise de Bernard Arnault. Selon le créateur du compte, en un mois, le jet de la première fortune de l'Hexagone et le troisième homme le plus riche du monde a émis autant de CO2 qu'un Français moyen sur une période de dix-sept ans.

>> Lire aussi : Les réseaux sociaux pressent les célébrités de descendre de leurs jets privés

Inégalités dans les émissions de CO2

Le secteur aérien est responsable de 2 à 3% des émissions mondiales de CO2, mais selon un rapport de l'ONG Transport & Environment publié en mai 2021, les vols privés présentent une empreinte carbone par passager 5 à 14 fois supérieure aux vols commerciaux et 50 fois supérieure au train.

En 2019, les émissions des vols de jets privés en France s'élevaient à près de 400'000 tonnes de CO2, toujours selon Transport & Environment. Ce qui représente 1,7% des émissions du trafic aérien français (23,4 millions de tonnes en 2019, selon le ministère chargé des Transports) ou 0,09% du total des rejets de CO2 de la France entière (436 millions de tonnes en 2019), a analysé Franceinfo.

Les émissions de CO2 sont inégalement réparties en fonction des revenus: les 1% des plus riches sont responsables de 15% des émissions et ils polluent autant que la moitié des habitants de la planète.

"Les utilisateurs des jets privés sont responsables d'une part disproportionnée d'émissions de CO2 au niveau mondial, note Julia Steinberger, professeure à l'UNIL et auteure principale du dernier rapport du GIEC, jeudi dans Tout un monde. On ne peut pas agir sur le réchauffement climatique, sans agir sur la surconsommation des plus riches. S'attaquer à leurs déplacements est tout à fait pertinent."

"Signe ostentatoire de pollution"

Les jets privés sont donc un symbole puissant. Il s'agit d'un "signe ostentatoire de pollution", selon la formule du secrétaire français d'Europe Ecologie-Les Verts Julien Bayou, qui propose de bannir les jets privés en France.

"Le sujet, (c'est) d'ouvrir ce débat au niveau européen de manière responsable et en évitant justement des mesures ou des idées démagos du type interdiction", comme le propose par exemple Julien Bayou", lui a répondu le ministre français délégué aux Transports Clément Beaune, fin-août sur France 2. Pourtant quelques jours plus tôt, Clément Beaune avait proposé de "réguler" les vols en jets privés, avant d'être recadré par son ministre de tutelle.

Sur la nécessité de réguler ou non le recours aux jets privés, la Première ministre Elisabeth Borne a affirmé sans plus de détails que leurs propriétaires devraient "comme tout le monde, participer à la réduction des gaz à effet de serre", jugeant "indispensable" que les "plus favorisés" donnent l'exemple, samedi dans un entretien au Le Parisien.

Des alternatives existent

"On ne peut pas imposer des mesures d'économies sous la contrainte, décidées unilatéralement, à une population quand certains passent entre les gouttes, d'autant plus quand il s'agit de ceux qui ont le plus de pouvoir d'achat, estime Marc Müller, ingénieur en énergie et fondateur d'Impact Living. (...) C'est intenable dans le contexte général de pénuries d'énergie que des personnes 'crament' de l'énergie pour des loisirs et des raisons stupides."

Alors faut-il interdire les jets privés? "Il appartient à chaque démocratie de le dire, explique le directeur du groupe de réflexion sur la transition énergétique The Shift Project Matthieu Auzanneau. (...) Ce qui est clair, c'est qu'il y a plein d'alternatives aux jets privés: des déplacements évitables et des trajets en train. (...) Il est légitime et nécessaire d'un point de vu symbolique que ceux qui sont les plus aisés soient aussi ceux qui montrent l'exemple."

>> Voir aussi le débat dans Forum:

Sujet radio: Patrick Chaboudez et Miruna Coca-Cozma

Adaptation web: Valentin Jordil

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Peut-on divulguer les informations sur les jets privés?

Les auteurs derrière les comptes qui publient les déplacements de jets privés (lire ci-dessus), expliquent que la source d'informations principale est disponible légalement et gratuitement. Ils ne font que partager des informations mises en ligne par des organisations comme OpenSky-Network ou ADS-B Exchange.

Peut-on utiliser ces données - destinées à la base à la sécurité de l'espace aérien - pour d'autres objectifs? "Oui, répond Suzanne Vergnolle, spécialiste du droit du numérique. L'atteinte au respect à la vie privée est difficilement qualifiable, parce que ce sont des aéronefs enregistrés auprès de personnes morales, des grands groupes."

Et d'ajouter: "Il y a aussi la liberté d'expression des auteurs de comptes. Enfin, il y a le droit du public, notre droit à tous, de vivre dans un environnement sain, propre et durable."