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Accrocher la vigne aux arbres, l'arme anti-réchauffement de la viticulture

Rendez-vous société: La vigneronne Noémie Graff s’est lancée dans une méthode de culture du vin plus durable, la vitiforesterie
Rendez-vous société: La vigneronne Noémie Graff s’est lancée dans une méthode de culture du vin plus durable, la vitiforesterie / 12h45 / 7 min. / le 12 septembre 2022
Lors d'étés caniculaires et pauvres en précipitations, le raisin peut souffrir d'une trop forte exposition au soleil. En associant la vigne aux arbres, la vitiforesterie offre une solution pérenne pour lutter contre le changement climatique. Une vigneronne teste la méthode sur la Côte vaudoise.

Dans son domaine du Satyre à Begnins, Noémie Graff s'est lancée dans une méthode de culture du vin plus durable: la vitiforesterie. Entre la route et les allées du vignoble, là où pousse une série d'arbres fruitiers espacés de plusieurs mètres, elle cultive à leurs pieds des plants de vigne.

A terme, l'objectif est de conduire la vigne en "hutins" (hautains en France), à savoir laisser grimper les ceps le long des troncs, puis tirer les sarments de vigne en guirlande entre les arbres.

Cette technique, connue depuis l’Antiquité, était très répandue jusqu'au XIXe siècle dans certaines régions au climat continental, où elle servait surtout à protéger les vignes du gel et de l’humidité. Quasiment disparues en Suisse, ces vignes en hutins recommencent aujourd'hui à faire l’objet d'expérimentations.

Eau et ombre, des questions cruciales

Si des vignerons renouent avec ce savoir-faire très ancien, qui était réputé donner un raisin de moindre qualité, c'est parce que la présence d'arbres apporte de sérieux avantages à une époque touchée par la pollution, la canicule et les sécheresses. Ils produisent de l'ombre, contribuent à tempérer le climat dans les environs et captent du CO2.

"Les arbres ne font d'ailleurs pas que capter le CO2. Ils ont cette faculté, en faisant de la photosynthèse, de libérer de l’eau. Or, cet été, on a bien pu constater que la question de l’eau va se poser de manière de plus en plus cruelle", a expliqué lundi le biologiste et historien du paysage Yves Bischofberger dans le 12h45.

Les arbres ne font pas que capter le CO2. Ils ont cette faculté, en faisant de la photosynthèse, de libérer de l’eau

Yves Bischofberger, biologiste et historien du paysage

Noémi Graff a eu cette idée de faire grimper la vigne sur des arbres il y a quelques années déjà, en écrivant son mémoire universitaire consacré à un grand cru de l'antiquité romaine qui poussait sur des peupliers dans la région de Naples.

Et ce n'est pas demain qu'elle pourra juger du résultat de ses expérimentations: "Ca va être un processus assez long. J'espère en voir les résultats à ma retraite", a commenté la vigneronne.

Pionniers souvent mal vus

S'adapter au changement climatique, "c'est toute l'histoire de la viticulture", poursuit-elle en prenant l'exemple de Begnins, dont la mondeuse noire - un cépage rouge cultivé en Savoie et qui n'est cultivé en Suisse que sur 3 hectares environ - était très connue au XIXe siècle, avant d'être remplacée par le chasselas après l'arrivée du phyloxera.

S'adapter au changement climatique, c'est toute l'histoire de la viticulture

Noémie Graff, vigneronne à Begnins

Les changements de méthode, pourtant, ne sont pas toujours bien vus dans l'agriculture. "En 1940, quand mon grand-père s'est installé et a voulu planter du pinot noir et du gamay, il s'est fait mal voir du voisinage", se souvient Noémie Graff. Ces cépages plus colorés, plus résistants à la pourriture, résistaient mieux aux températures moins clémentes observées notamment en fin d'été au siècle dernier.

Aujourd'hui, le pinot noir est le cépage le plus planté en Suisse, devant le chasselas. Quant au gamay, il est en quatrième position, dépassé par le merlot depuis cette année.

Prochain défi: les maladies

Noémie Graff songe d'ailleurs à replanter de la mondeuse, "un cépage intéressant dans le cadre du réchauffement climatique, car il reste assez bas en sucre". Ce qui permet au taux d'alcool final du vin de ne pas monter trop haut lorsque les saisons sont chaudes et très ensoleillées. "Mais le défi de ma génération et de la suivante sera incontestablement de trouver des cépages plus résistants aux maladies", ajoute la vigneronne.

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Pour elle, la sensibilité à l'écologie est davantage une question de génération que de genre, les femmes étant parfois décrites comme plus éco-responsables. Elle observe ainsi, chez les étudiants de l'Agroscope de Changins, un intérêt certain pour les nouvelles méthodes de culture plus écologiques, "autant chez les femmes que chez les hommes", même si, dit-elle encore, les femmes échangent davantage sur le sujet.

Sujet et interview TV: Claire Burgy, Anne Cathia Marchon et Mathieu Lombard

Adaptation web: Vincent Cherpillod

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