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Envahissante et dangereuse, la fourmi électrique a été détectée en France

Une fourmi ouvrière Wasmannia auropunctata. [antwiki.org/CC-BY-SA-3.0 - Aprile Nobile/AntWeb.org]
La fourmi électrique est arrivée en France / CQFD / 12 min. / le 20 octobre 2022
Elle mesure seulement 1,5 millimètre mais représente une menace pour la biodiversité. La "fourmi électrique", espèce envahissante surnommée ainsi en raison de sa piqûre douloureuse, a été détectée pour la première fois sur le territoire métropolitain français.

C'est dans le sud de la France, à Toulon, que Wasmannia auropunctata, "fourmi électrique" ou "petite fourmi de feu", originaire d'Amérique du Sud, a été repérée par un passionné de fourmis, dans une résidence fermée de bord de mer. Jaunes-brunes, ces fourmis sont minuscules, bougent très lentement et ressemblent aux "fourmis de feu".

Jusqu'à présent, cette espèce originaire d'Amérique du Sud n'avait été observée qu'une fois en Europe, dans la région de Malaga en Espagne.

Quand Olivier Blight, chercheur à l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie à l'Université d'Avignon l'a formellement identifiée à Toulon, "on avait déjà affaire à une super-colonie, donc on pense qu'elle est là depuis plus d'un an". Probablement introduite "lors d'un transport de plantes", la fourmi a déjà été observée jusqu'à cent mètres de la résidence.

"Sa force, c'est son nombre"

Wasmannia auropunctata est extrêmement envahissante, même si elle se déplace lentement, car elle cumule "un système de reproduction classique sexuée et une production de reines et de mâles par clonage" (lire encadré), explique Olivier Blight. "Sa force c'est son nombre", insiste le chercheur, qui a fait placer l'espèce sur la liste des espèces préoccupantes pour l'Union européenne.

Cette fourmi est tropicale: "Elle peut vivre dans des serres; elle aime les endroits chauds", remarque Laurent Keller, professeur au département d'Ecologie et d'Evolution de l'Université de Lausanne: "Elle pourrait vivre au Sud de la France, surtout dans les zones habitées car elle profite en hiver de se cacher dans les endroits chauffés ou protégés", précise le myrmécologue au micro de l'émission CQFD. Selon lui, on ne peut pas l'imaginer chez nous: "Elle ne pourrait pas passer l'hiver".

Sa piqûre provoque "une sensation d'ortie, en plus fort et plus long, puisque ça dure 2-3 heures", et avec cette arme redoutable la fourmi électrique peut anéantir des insectes, provoquer la cécité d'autres animaux – des tortues et des chiens, notamment – , et les faire fuir durablement.

Piqûres douloureuses

En Nouvelle-Calédonie, "dans les forêts qu'elle a envahies, on n'entend plus aucun son d'insecte". Chez l'humain, outre des piqûres douloureuses, la fourmi électrique peut provoquer des chocs anaphylactiques chez les personnes allergiques.

Dans les régions qu'elle a envahies, remarque Olivier Blight, "son éradication a des coûts énormes". Ainsi, dans le Queensland, en Australie, qu'elle a colonisé depuis 2006, 30 millions de dollars ont déjà été dédiés à la lutte contre Wasmannia auropunctata. "Et je ne suis même pas sûr que l'Australie ait réussi à s'en débarrasser", commente Laurent Keller.

Après avoir déclaré sa présence aux autorités début septembre, Olivier Blight souhaite "communiquer au maximum pour sensibiliser le grand public", notamment pour accéder aux résidences voisines du premier foyer détecté.

"On doit faire très rapidement une délimitation précise de la zone d'invasion pour élaborer un plan d'éradication", plaide Olivier Blight, comparant la stratégie à celle mise en place par les autorités en présence du moustique-tigre.

Stéphanie Jaquet et l'ats

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Des reines et des mâles clonés

Wasmannia auropunctata reproduit la reine et ses mâles d'une façon tout à fait surpenante: par clonage. "C'est nous qui avions découvert cela il y a une quinzaine d'années", note Laurent Keller: "On étudiait des populations du Nord de l'Amérique du Sud et nous avons détecté que les reines étaient génétiquement différentes des mâles et des ouvrières. On ne savait pas pourquoi".

Le myrmécologue et son équipe ont montré que la reine se reproduisait de manière clonale: "Elle pond un œuf, il n'est pas fertilisé par un spermatozoïde et, donc, on a une nouvelle reine qui est génétiquement identique à sa mère", explique le professeur de l'Université de Lausanne. "Les ouvrières sont produites de manière sexuée: le sperme rentre dans l'œuf et possède la moitié du matériel génétique de la mère et du père".

Le clonage est aussi utilisé pour les mâles: "C'est étonnant de constater ce qu'un sperme solitaire peut faire. Il profite d'un système déterministe du sexe qui est particulier chez les fourmis: les mâles sont normalement issus d'œufs non-fertilisés. La reine peut choisir le sexe de ses bébés soit en fertilisant l'œuf pour une reine ou une ouvrière en fonction de l'environnement, soit en ne fertilisant pas l'œuf et cela produit un mâle", détaille Laurent Keller.

Comme s'il y avait une espèce femelle et une espèce mâle

Or, chez Wasmannia auropunctata, le sperme rentre dans l'œuf et élimine les gènes maternels: "Donc on a un nouveau bébé qui est haploïde [ndlr. dont chaque paire de chromosomes est dédoublée, après la méiose], comme les mâles, normalement, mais avec uniquement les gènes du père". Le mâle est ainsi le clone de son père, alors que celui-ci est déjà mort: "La mère s'accouple avec un mâle, stocke ses spermatozoïdes – le mâle meurt rapidement après l'accouplement – et ce sperme, plus tard, va fertiliser un œuf et reproduire un clone de ce mâle mort, peut-être, une année auparavant".

Et de souligner que tous les mâles sont produits de cette manière: "C'est assez incroyable, car cela veut dire qu'il n'y a plus de flux génétique entre les mâles et les femelles. Si on fait un arbre phylogénétique, on a d'un côté toutes les reines et tous les mâles d'un autre, complètement ailleurs. C'est comme si on avait deux espèces: une qui a formé des mâles, une autre des femelles. Et puis chaque espèce a besoin de l'autre pour produire des ouvrières: elles sont une sorte d'hybride entre ces deux lignées génétiques, ces deux sexes. C'est un système de reproduction extrêmement particulier", remarque le scientifique. "Et l'avantage, c'est qu'il n'y a pas de consanguinité".