"Si les politiques actuelles restent en place, la couche d'ozone devrait retrouver les valeurs de 1980 – soit avant l'apparition du trou – d'ici environ 2066 au-dessus de l'Antarctique, 2045 au-dessus de l'Arctique et 2040 dans le reste du monde", indique l'ONU Environnement dans son estimation quadriennale.
"L'élimination progressive de près de 99% des substances interdites qui détruisent l'ozone a permis de préserver la couche d'ozone et contribué de façon notable à sa reconstitution dans la haute stratosphère et à une diminution de l'exposition humaine aux rayons ultraviolets (UV) nocifs du soleil", notent les experts mandatés par l'ONU.
Le trou de la couche d'ozone a été créé par la pollution d'origine humaine, particulièrement par les chlorofluorocarbures (CFC) autrefois émis par de nombreux réfrigérateurs.
Au cours des dernières décennies, la coopération mondiale lui a cependant donné une chance de se reconstituer (lire encadré). Le Protocole de Montréal (Canada), signé en 1987 et ratifié par 195 pays, a fortement réduit la quantité de CFC dans l'atmosphère, et la couche d'ozone va pouvoir se reconstituer complètement, selon les estimations de l'ONU.
>> L'évolution du trou de la couche d'ozone sur la page Earth Observatory de la NASA: Antarctic Ozone Hole
Les incertitudes de la géo-ingénierie
En 2016, l'accord de Kigali a prévu aussi l'élimination progressive des hydrofluorocarbones (HFC), gaz extrêmement nocifs pour le climat utilisés dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Si l'accord est respecté, il pourrait réduire de 0,5°C le réchauffement mondial d'ici 2100, ont déjà estimé expertes et experts.
Toutefois, ces derniers se sont aussi penchés pour la première fois sur les potentiels effets sur l'ozone de projets de géo-ingénierie destinés à limiter le réchauffement climatique, mettant en garde contre leurs effets indésirables.
>> Lire : Les projets pour changer le climat et filtrer le CO2 ne font pas l'unanimité
L'idée serait d'ajouter intentionnellement des particules en suspension dans la stratosphère pour renvoyer une partie des rayons du soleil. Un de ces projets consisterait à injecter une quantité considérable de particules de soufre dans la couche supérieure de l'atmosphère.
Ces technologies reproduiraient en quelque sorte une éruption volcanique similaire à celle du Pinatubo aux Philippines en 1991, qui avait abaissé la température de 1 degré.
Mais le niveau d'ozone a été affecté pendant les années qui ont suivi, remarque John Pyle, coprésident du panel scientifique qui travaille sur l'ozone pour le compte de l'ONU.
Une injection de particules dans l'atmosphère "pourrait avoir pour conséquence une grave baisse du niveau de l'ozone", met-il en garde. "Il y a beaucoup d'incertitudes", selon lui.
Modifier le rayonnement solaire serait dangereux
La planète a gagné près de +1,2 degré depuis l'ère pré-industrielle, entraînant déjà une multiplication des canicules, inondations ou tempêtes.
La communauté internationale s'est engagé à limiter ce réchauffement bien en deçà de +2 degrés, +1,5 degré si possible. Mais les politiques actuelles laissent présager une hausse des températures de 2,8 degrés d'ici la fin du siècle, bien au-dessus des limites de l'accord de Paris, selon les Nations Unies.
Les projets de géo-ingénierie sont ainsi parfois avancés comme une solution pour gagner du temps mais les scientifiques ont déjà mis en garde sur les dangers associés à ces technologies.
>> Lire : Ne touchez pas au rayonnement solaire, plaident les spécialistes
Une modification intentionnelle des rayonnements solaires pourrait par exemple perturber le régime des moussons en Asie du Sud et dans l'ouest de l'Afrique et détruire ainsi les cultures dont des centaines de millions de personnes dépendent, selon des études déjà publiées.
Et si la modification des rayonnements prenait fin "pour une raison quelconque, il est très probable que la température de la surface augmenterait rapidement", estime le GIEC.
Un injection de particules au-dessus de l'Antarctique a été simulée, avec des résultats mitigés. Cela permettrait certes de réduire la température mondiale de 0,5 degré sur vingt ans, mais le trou de la couche d'ozone retournerait à des niveaux proches de ceux des années 1990.
"La chose la plus simple à faire est d'arrêter de relâcher des gaz à effet de serre dans l'atmosphère", a souligné John Pyle. "Et c'est difficile".
afp/sjaq
Comment le trou dans la couche d'ozone a été découvert et rebouché
Retour sur les grandes dates de la lutte pour la préservation de la couche d'ozone, élément essentiel des hautes couches de l'atmosphère pour protéger la planète des effets nocifs des rayonnements ultraviolets.
- Entre 1975 et 1984, des campagnes de prospection avec ballons sondes organisées par le géophysicien britannique Joseph Farman montrent une baisse graduelle et inquiétante des taux d'ozone dans la stratosphère au-dessus de la base scientifique de Halley Bay dans l'Antarctique.
Ce "trou" dans la couche d'ozone, qui se manifeste périodiquement durant le printemps austral au Pôle sud, est la preuve de ce que deux chimistes de l'université de Californie, Mario Molina et Sherwood Rowland, avaient avancé en 1974: l'effet destructeur sur l'ozone des gaz industriels de type chlorofluorocarbones ou CFC.
Ces CFC sont alors abondamment utilisés dans l'industrie du froid et les aérosols. Les deux chercheurs seront récompensés en 1995 par le Nobel de chimie pour ces recherches.
- Le 22 mars 1985, une première Convention pour la protection de la couche d'ozone est signée par 28 pays dans le cadre du programme pour l'environnement de l'ONU (UNEP).
Le texte vise à prévenir la destruction de la couche d'ozone par les émissions de CFC. Les Etats-Unis qui interdisent depuis 1978 l'utilisation des CFC dans les aérosols, ratifient cette convention en 1986.
- Le 16 septembre 1987, est conclu le Protocole de Montréal pour protéger la couche d'ozone.
Initialement signé par 24 pays et la Communauté économique européenne (CEE), l'accord, entré en vigueur début 1989, prévoit une réduction de 50% en dix ans de l'utilisation des CFC et du gaz halon, autre gaz industriel dangereux pour l'ozone.
Alors qu'une étude révèle en octobre 1987 que jamais le "trou" dans la couche d'ozone n'a été aussi important au-dessus de l'Antarctique, les grandes firmes chimiques s'accordent pour mettre au point rapidement des substituts aux CFC non dangereux pour l'ozone.
>> Lire : Le Protocole de Montréal a sauvé la couche d'ozone et limité le réchauffement
- Début 1989, un trou dans la couche d'ozone est observé au-dessus de l'Arctique, cette fois. Le 5 mai 1989, les représentants de 80 pays réunis à Helsinki préconisent l'abandon "au plus tard d'ici 2000" de la production des CFC.
- Le 30 juin 1990, la conférence de Londres réunissant une centaine de pays ouvre la voie à un accord mondial pour la préservation de la couche d'ozone avec la mise en place d'un fonds international d'aide aux pays en développement et l'adhésion de l'Inde et de la Chine au Protocole de Montréal.
- A partir de 1995, les CFC sont totalement interdits dans l'Union européenne (UE) et leurs substituts, les HCFC, y sont progressivement éliminés.
Le 7 décembre, une nouvelle conférence internationale à Vienne aboutit avec difficultés à l'interdiction du bromure de méthyle (autre produit néfaste à l'ozone) en 2010 et des HCFC en 2020 dans les pays industrialisés.
- Le plus grand trou dans la couche d'ozone jamais observé au-dessus de l'Antarctique est relevé fin septembre 2006, selon les observations des Agences spatiales américaine (Nasa) et européenne (ESA).
- Le 22 septembre 2007, un accord "historique" est conclu à Montréal par 190 pays pour accélérer l'élimination des HCFC, qui sont, en plus de leurs effets sur l'ozone, de puissants gaz à effet de serre.
- Le trou dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique tend à se résorber, estiment en juin 2016 des scientifiques dans une étude publiée dans Science, grâce à la baisse des émissions de gaz chlorés.