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Un tiers de la forêt amazonienne dégradée par l'activité humaine

Une vue prise au drone montre la déforestation à la frontière entre l'Amazonie et Cerrado in Nova Xavantina, dans l'Etat du Mato Grosso, au Brésil, le 28 juillet 2021. [Reuters - Amanda Perobelli]
Une vue prise au drone montre la déforestation à la frontière entre l'Amazonie et Cerrado in Nova Xavantina, dans l'Etat du Mato Grosso, au Brésil, le 28 juillet 2021. - [Reuters - Amanda Perobelli]
Plus d'un tiers de la forêt amazonienne pourrait avoir été dégradée par l'activité humaine et la sécheresse, selon une étude dévoilée jeudi dans la revue Science. Des appels à légiférer pour protéger cet écosystème vital en danger ont été lancés.

Les dommages infligés à la forêt amazonienne, qui recouvre neuf pays, sont significativement plus importants que ceux qui avaient été observés auparavant, ont indiqué l'équipe de recherche dont les membres proviennent notamment de l'université brésilienne Estadual de Campinas.

Au cours de leur étude, chercheuses et chercheurs ont analysé les conséquences des incendies, de l'exploitation forestière, de la sécheresse et des changements ayant touché les habitats en lisière de la forêt, ce qu'ils appellent des effets de bordure.

Hors sécheresse, ces phénomènes ont dégradé au moins 5,5% du reste des forêts qui composent l'écosystème amazonien, soit 364'748 kilomètres carrés, entre 2001 et 2018, selon l'étude.

>> Un aperçu des processus de dégradation des forêts tropicales en Amazonie : Les facteurs sous-jacents (dont quelques-uns sont représentés en gris en bas) stimulent les perturbations – extraction de bois, incendie, effets de lisière et sécheresse extrême – qui provoquent la dégradation des forêts. Un satellite illustre les tentatives d'estimation de l'étendue spatiale de la dégradation et des pertes de carbone associées. Les impacts (en rouge) sont soit locaux: provoquant des pertes de biodiversité ou affectant les moyens de subsistance des habitants des forêts; soit éloignés: par exemple, la fumée affectant la santé des habitants des villes ou provoquant la fonte des glaciers andins en raison du dépôt de carbone noir. [Science - Alex Argozino/Studio Argozino]
Les facteurs sous-jacents (dont quelques-uns sont représentés en gris en bas) stimulent les perturbations – extraction de bois, incendie, effets de lisière et sécheresse extrême – qui provoquent la dégradation des forêts. Un satellite illustre les tentatives d'estimation de l'étendue spatiale de la dégradation et des pertes de carbone associées. Les impacts (en rouge) sont soit locaux: provoquant des pertes de biodiversité ou affectant les moyens de subsistance des habitants des forêts; soit éloignés: par exemple, la fumée affectant la santé des habitants des villes ou provoquant la fonte des glaciers andins en raison du dépôt de carbone noir. [Science - Alex Argozino/Studio Argozino]

Extrême sécheresse plus fréquente

Lorsque les effets de la sécheresse sont inclus, la zone détériorée représente alors 2,5 millions de kilomètres carrés, soit 38% du reste des forêts composant l'écosystème amazonien (lire encadré).

>> La déforestation de l'Amazonie s'accélère à cause d'une combinaison de facteurs anthropiques, notamment des conditions climatiques plus sèches et des politiques favorisant l'agriculture industrialisée : En haut à gauche: Carte de l'Amazonie indiquant l'emplacement des incendies de forêt, de 1985 à 2021. À droite: Forêt primaire récemment brûlée près de Rurópolis, État du Pará, Brésil, 17 septembre 2020. En bas à gauche: Le taux de déforestation en Amazonie brésilienne est en rapide augmentation dans le cadre des politiques environnementales de l'administration Bolsonaro. Après des millions d'années à servir d'immense réservoir mondial de carbone, la forêt amazonienne devient une source nette de carbone pour l'atmosphère. [ESRI/Garmin-GEBCO/NOAA NGDC/Science - Marizilda Cruppe/Amazonia Real]
En haut à gauche: Carte de l'Amazonie indiquant l'emplacement des incendies de forêt, de 1985 à 2021. À droite: Forêt primaire récemment brûlée près de Rurópolis, État du Pará, Brésil, 17 septembre 2020. En bas à gauche: Le taux de déforestation en Amazonie brésilienne est en rapide augmentation dans le cadre des politiques environnementales de l'administration Bolsonaro. Après des millions d'années à servir d'immense réservoir mondial de carbone, la forêt amazonienne devient une source nette de carbone pour l'atmosphère. [ESRI/Garmin-GEBCO/NOAA NGDC/Science - Marizilda Cruppe/Amazonia Real]

"L'extrême sécheresse est devenue de plus en plus fréquente en Amazonie du fait de l'évolution des manières d'exploiter le sol et du changement climatique induit par les humains qui affectent la mortalité des arbres, le nombre d'incendies et les émissions de carbone dans l'atmosphère", ont déclaré les scientifiques.

"Les feux de forêt se sont intensifiés pendant les années de sécheresse", ont-ils ajouté, alertant sur les dangers que représenteront les "feux de grande ampleur" dans le futur.

>> Lire : Les surfaces incendiées au Brésil ont presque doublé en novembre

Les scientifiques de l'Université Lafayette dans l'Etat américain de Louisiane et d'autres établissements appellent à agir, dans une étude séparée sur les conséquences de l'activité humaine sur l'écosystème amazonien, également publiée dans la revue Science.

"Les changements ont lieu beaucoup trop vite pour que les espèces amazoniennes, les populations et les écosystèmes puissent s'adapter", ont-ils soutenu (lire encadré). "Les lois pour éviter les pires conséquences sont connues et doivent être immédiatement promulguées."

"Perdre l'Amazonie revient à perdre la biosphère et ne pas agir est à nos risques et périls", ont conclu ces scientifiques.

ats/sjaq

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L'importance de la forêt amazonienne

Souvent décrite comme le poumon vert de la planète, la forêt amazonienne exerce une influence fondamentale sur le climat. A elle seule, elle contribue à 16% à la photosynthèse terrestre, régulant ainsi les cycles du carbone et de l’eau.

L'immense écosystème abrite aussi près du dixième des espèces végétales et animales. Menacé par l’activité humaine, il a déjà perdu près de 20% de la surface occupée au début de la colonisation européenne. Une surface de 10'000 mètres carrés de forêt amazonienne abrite plus d’espèces végétales que l’ensemble du continent européen.

Les changements causés par l’être humain sur les écosystèmes de l’Amazonie sont plusieurs centaines voire plusieurs milliers de fois plus rapides que ceux provoqués par les processus climatiques et géologiques des derniers millions d’années.

Les changements climatiques en Amazonie influencent ceux au Tibet

Les extrêmes climatiques de la forêt amazonienne affectent directement ceux du plateau tibétain, selon des scientifiques, qui avertissent que la région himalayenne, cruciale pour la sécurité d'approvisionnement en eau de millions de personnes, était proche d'un "point de basculement" potentiellement désastreux.

Le réchauffement climatique dû aux activités humaines entraîne peu à peu des écosystèmes cruciaux et des régions entières vers des changements souvent irréversibles. Parmi les zones particulièrement vulnérables à ces changements figurent les calottes glaciaires, dont la fonte pourrait entraîner une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres, ainsi que le bassin amazonien, où les forêts tropicales victimes de la déforestation risquent de se transformer en savane, ne pouvant plus jouer leur rôle de puits de carbone pour la planète.

Mais un point de basculement dans une partie du monde peut-il avoir un effet domino sur une autre région? Des recherches récentes suggèrent que c'est déjà le cas.

>> Les éléments de basculement potentiels dans le système terrestre : Les symboles numérotés indiquent les éléments de basculement potentiels dans le système terrestre. Les lignes jaunes pointillées montrent les connexions possibles entre ces éléments de basculement et les lignes rouges montrent la téléconnexion découverte dans cette étude. Les flèches indiquent le sens de l'influence. [Nature Climate Change - T. Liu, D. Chen, S. Halvin, H. J. Schellnuhber & al.]
Les symboles numérotés indiquent les éléments de basculement potentiels dans le système terrestre. Les lignes jaunes pointillées montrent les connexions possibles entre ces éléments de basculement et les lignes rouges montrent la téléconnexion découverte dans cette étude. Les flèches indiquent le sens de l'influence. [Nature Climate Change - T. Liu, D. Chen, S. Halvin, H. J. Schellnuhber & al.]

Les changements climatiques dans le bassin de l'Amazone ont des répercussions sur le plateau tibétain, situé à 20'000 kilomètres de là, affirment ainsi des scientifiques chinois, européens et israéliens dans la revue Nature Climate Change au début du mois.

Un chemin de liens climatiques

L'équipe de recherche a utilisé les données mondiales sur les températures proches de la surface au cours des 40 dernières années pour tracer un chemin de liens climatiques, s'étendant de l'Amérique du Sud à l'Afrique australe, puis au Moyen-Orient et enfin au plateau tibétain. Des simulations informatiques ont ensuite été utilisées pour déterminer comment le réchauffement climatique pourrait modifier ces liens à longue distance jusqu'en 2100.

A partir de cela, les scientifiques ont établi que lorsqu'il fait plus chaud en Amazonie, les températures augmentent également au Tibet. Et à l'inverse, lorsque la pluie augmente dans la forêt tropicale sud-américaine, les chutes de neige diminuent dans la région de l'Himalaya, parfois surnommé le "troisième pôle".

>> Lire aussi : L'horloge de l'apocalypse n'a jamais été aussi proche de minuit, l'heure de la fin des temps