Le président français a notamment évoqué la question brûlante de l’agriculture. Il s'agit de loin du secteur le plus gourmand en eau, avec 58% de la consommation totale. Emmanuel Macron a également annoncé débloquer une enveloppe de 30 millions d’euros pour le "climat de demain" et notamment pour améliorer les systèmes d'infiltration d'eau dans la nappe phréatique.
Dans son discours, il a maintenu son soutien aux méga-bassines qui servent à stocker l’eau à proximité des champs. Des retenues d'eau controversées, notamment à Sainte-Soline.
Des écologistes affirment qu'il s'agit d'une privatisation de l'eau. Le président, lui, rétorque que ces bassines sont indispensables à la souveraineté alimentaire du pays.
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La méga-bassine, une "fausse bonne idée"
Pour l'hydrologue Marianne Milano, collaboratrice à l’Université de Lausanne, il s'agit en réalité d'une fausse bonne idée pour les sols. "Ces méga-bassines sont là pour collecter l'eau de pluie, mais si on se retrouve dans une sécheresse hivernale, cette méga-bassine va récolter très peu d'eau et cela ne résoudra pas le problème pour l'agriculture", explique-t-elle vendredi dans l'émission Tout un monde de la RTS.
Si, au contraire, on se retrouve dans une année humide, il y aura un fort taux d'évaporation. "Sur des petites retenues d'eau, jusqu'à 20 à 60% du volume d'eau stockée va s'évaporer, selon des études américaines", pointe l'hydrologue. "Enfin, cette eau stockée ne va pas s'infiltrer et ne va donc pas humidifier les sols. Par conséquent, elle ne va pas recharger les nappes. Finalement, en essayant de résoudre le problème, on va en générer un autre."
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Quelles solutions alternatives?
Pour contrer et même s'adapter au stress hydrique des sols, qui arrive de plus en plus, Marianne Milano propose de modifier notre manière de cultiver. D'abord, en plantant d'autres espèces moins demandeuses en eau mais aussi en changeant les méthodes d'irrigation pour gaspiller moins. "La micro-irrigation permet par exemple de pomper l'eau des réservoirs par des systèmes hydrauliques. Cette eau sera ensuite mise sous pression pour irriguer grâce à des micro-aspersions, soit des gouttelettes qui vont être aspergées sur des grandes surfaces."
La France n'est pas le seul pays à se demander comment changer de méthode de gestion de l'eau. En Italie, la Toscane a décidé d’interdire le remplissage des piscines privées de juin à octobre. Ce qui a provoqué la colère et l’inquiétude des hôtels et des agritourismes qui dépendent de la venue des touristes.
La stratégie choisie par l'Espagne
En Espagne, pays pionnier en Europe en matière de gestion de l'eau, une autre stratégie est adoptée. Le pays compte près de 800 usines de dessalement sur son territoire, dont une centaine à forte capacité. L’Espagne se situe même au quatrième rang mondial derrière l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et les Etats-Unis.
Le pays, soumis à de fortes chaleurs et à des sécheresses de plus en plus répétées, a pris les devants pour éviter des restrictions drastiques. La grande sécheresse de 2008 a, par exemple, entraîné l’augmentation des capacités des usines de dessalement en Catalogne. Une région soumise à un stress hydrique inquiétant, les réserves des bassins n’atteignant que 27% actuellement. D’ici 2027, la Catalogne veut doubler sa capacité de dessalement.
Le pays peut aussi compter sur un autre processus, celui du traitement des eaux usées. Là encore, l’Espagne est en pointe en Europe: 14% des eaux usées sont réutilisées, contre en moyenne 2% de leurs capacités en Europe. Le pays a développé un véritable savoir-faire. En période de sécheresse, les agriculteurs sont ceux qui bénéficient le plus de ces eaux traitées.
Sujet radio: Jessica Monteiro et Valérie Demon
Adaptation web: hkr