Le fer est un élément crucial des écosystèmes de l'océan Austral, en tant que source de nutriment pour le phytoplancton, des microalgues qui sont absorbées par le krill, un plancton animal riche en fer. L'étude souligne le rôle essentiel des manchots qui consomment le krill et fertilisent par leurs déjections les eaux méridionales.
Cycle du fer perturbé
Les chercheurs de l'Institut des sciences marines d'Andalousie ont calculé le volume d'excréments, ou guano, d'une colonie de manchots à jugulaire de l'Île de la Déception, au large de la péninsule Antarctique, en traitant des images de drone à l'aide d'une intelligence artificielle. Grâce à des analyses chimiques de ce guano, ils y ont trouvé une très forte concentration en fer, de l'ordre de trois milligrammes par gramme.
En extrapolant ces données à l'ensemble de l'espèce, les auteurs estiment que les manchots à jugulaire, une des espèces de manchots les plus abondantes, recyclent environ 521 tonnes de fer chaque année. Si cela fait d'eux, selon les auteurs, un des contributeurs "majeurs" du cycle du fer, c'est moitié moins qu'il y a 40 ans, puisque leur population a été divisée par deux depuis les années 80.
Impact pas étudié
Les océans capturent chaque année un tiers du dioxyde de carbone (CO2) émis dans l'atmosphère, notamment grâce à l'activité de photosynthèse du phytoplancton. Dans des régions comme celle du courant circumpolaire antarctique, leur croissance est limitée par la faible disponibilité de micronutriments comme le fer.
Les baleines à fanon sont connues pour le rôle qu'elles jouent en consommant le krill et en rendant le fer disponible, mais l'impact similaire des oiseaux marins comme les manchots n'avait pas encore été étudié.
Contrairement aux baleines qui traversent les différentes régions océaniques, les manchots passent leur vie cantonnés aux écosystèmes de l'océan Austral. Spécifiquement, pour les manchots à jugulaire, il s'agit de la péninsule antarctique et les îles environnantes.
"Ils contribueraient donc à un recyclage du fer plus concentré dans ces régions", estime Oleg Belyaev, l'auteur principal de l'étude.
À cause de l'effondrement de la population de ces oiseaux, lié au changement climatique, les auteurs s'inquiètent d'un possible déséquilibre de l'écosystème de l'océan Austral et de sa capacité à séquestrer le CO2 de l'atmosphère.
"Il s'agit, avec cette recherche, de faire prendre conscience de l'importance écologique de ces oiseaux marins", a confié Oleg Belyaev.
ats/edel