L'aviation tente d'avancer sur la voie des carburants durables

Avec Boeing, Airbus est l'un des deux géants de l'aviation mondiale. Depuis plusieurs années, le constructeur franco-allemand cherche à rendre les vols moins polluants en utilisant de nouveaux carburants de synthèse, dits carburants d'aviation durables.

Dernièrement, le groupe a effectué des tests avec de l'huile de friture usagée et selon Julian Manhes, les résultats sont plutôt concluants, même si du temps pour les analyses reste encore nécessaire.

"Les avions volent plutôt bien avec ce nouveau carburant. Il y a quand même des précautions à prendre pour l'utilisation, car il est légèrement différent du kérosène, notamment sa densité. On ne peut pas voler exactement comme dans des opérations normales [...] Nous avons encore besoin de temps pour comprendre comment cela fonctionne", a-t-il expliqué dans l'émission Tout un monde de la RTS.

Mélangé avec du carburant fossile

Dans les faits, cette huile de friture usagée doit être retravaillée pour pouvoir se mélanger au carburant fossile, car il n'est pour l'instant pas possible de voler à 100% avec un carburant d'aviation durable.

"Aujourd'hui, tous les avions peuvent voler avec, mais il doit être mélangé à hauteur de 50% avec du carburant fossile pour garder exactement les mêmes propriétés que s'il s'agissait de 100% de carburant fossile [...] Les tests que nous avons faits dernièrement sont des tests pour comprendre comment franchir cette barre des 50%, c'est-à-dire comment faire un carburant qui soit totalement synthétique et qui soit purement renouvelable", précise l'expert.

"Pour perdurer, l'aviation doit être durable"

Questionné pour savoir s'il ne s'agit pas, au fond, d'un simple "greenwashing", le chef de projet réfute et explique que la durabilité est essentielle si l'on veut voir l'aviation perdurer.

"Il s'agit d'un pilier de notre stratégie à Airbus. Et nous ne sommes pas les seuls. Il est évident que pour perdurer, l'aviation doit être durable. Toute l'industrie est en train de se mettre en ordre de bataille pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 [...] On engage des moyens significatifs pour aller plus vite. Nous voulons 10% d'utilisation de carburant d'aviation durable à l'horizon 2030, quand l'Europe a fixé une obligation réglementaire à 6%", souligne-t-il.

Des carburants encore loin d'être parfaits

Pourtant, les carburants alternatifs ne sont pas encore la panacée. Pour les observateurs, ils sont en effet loin d'être parfaits et leur production reste gourmande en énergie. Par ailleurs, ils restent malgré tout polluants, comme l'explique Sasha Nick, chercheur au laboratoire de l'Economie de l'environnement économique et urbaine à l'EPFL.

"Il faut d'abord construire toutes les usines pour produire ces carburants alternatifs à une grande échelle. Donc il faut des métaux, il faut des minéraux, du ciment, des câbles, ce qui est déjà une extraction assez significative. Et dans l'aviation, si vous avez une combustion à 10 kilomètres d'altitude, vous produisez des tas de choses, qui ne sont pas forcément du CO2 mais qui ont toujours un effet très élevé sur le climat, par exemple les différents oxydes d'azote ou les nuages de condensation, qui représentent à eux deux environ deux tiers du réchauffement du climat dû à l'aviation", explique-t-il.

Eric Piermont

Un mix de solutions

Carburants alternatifs, hydrogène, électrification, c'est une véritable course contre la montre qui se joue au final dans le secteur de l'aviation, comme dans celui des véhicules en général. Pour autant, la solution ne réside sans doute pas dans une seule manière nouvelle de produire de l'énergie.

"Il s'agit moins d'une course de 100 mètres que d'un labyrinthe et d'un champ miné. Nous devons être rapides, mais pas trop non plus, car il y a encore beaucoup de choses à faire. Il faut développer les technologies et il faut énormément d'investissements pour démontrer que les choses marchent. Au final, ce n'est pas une technologie qui va gagner. On aura plusieurs technologies, et on aura besoin de chacune d'entre elles en même temps pour réussir à faire cette transition et arriver à décarboner l'aviation et peut-être aussi les autres secteurs", estime Gianluca Ambrosetti, co-fondateur et co-directeur de Synhelion, une entreprise suisse qui vient de produire à échelle industrielle du kérosène d'aviation neutre en carbone dans une usine allemande.

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Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/ther