Face à la sécheresse, l'Espagne restaure ses "bisses" construits au XIe siècle
Tout au sud de l'Espagne, une poignée de rêveurs remonte le temps à coups de pelle. "Nous finissons de nettoyer et restaurer un canal d'irrigation", décrit José Maria Civantos, directeur de MEMOLab à l'Université de Grenade. "Il était à l'abandon depuis plus de quarante ans. Nous savons que cette acequia fonctionnait déjà au XIe siècle. Elle alimentait en eau la ville de Grenade."
Les acequias, ces canaux vieux de mille ans, seraient l'arme parfaite contre le réchauffement climatique. "Une partie de l'eau coule dans ces canaux, s'infiltre dans le sol... et alimente les nappes phréatiques et les sources. Elle apporte de l'humidité dans le sol et favorise la biodiversité", a-t-il expliqué mercredi dans le 12h45 de la RTS.
Abandonné dans les années 1970
Ce système totalement adapté au climat aride de l'Andalousie a été inventé par les Maures. Tout autour de Grenade et des célèbres jardins de l'Alhambra, ils ont creusé 24'000 kilomètres de canaux qui ont servi, jusque dans les années 1970, à acheminer notamment l'eau de fonte des neiges. Mais avec l'intensification de l'agriculture, les acequias sont tombées dans l'oubli.
"Irriguer est indispensable, ici, pour mes châtaigniers, comme pour toutes les autres cultures de la région, surtout en été. Sinon tout serait desséché", témoigne Francisco Vilches, l'un des premiers agriculteurs à avoir cru au retour de ce système d'irrigation.
Système plus rentable
Chaque parcelle de la région est irriguée par un canal. Francisco Vilches et les agriculteurs voisins gèrent ensemble la répartition de l'eau. "Si nous devions moderniser notre irrigation, il faudrait acheter des tuyaux, bétonner les canaux… C'est un coût que nous ne pouvons pas nous permettre. Ce système traditionnel est donc le plus rentable dans une région comme la nôtre", souligne Francisco Vilches.
Au pied de l'Alhambra, l'acequia restaurée par José Maria fonctionne. "Voir l'eau couler à nouveau dans ces canaux, c'est très émouvant. Quand les habitants voient en plus que c'est le fruit d'un travail collectif, ils en ont les larmes aux yeux", dit José Maria. En dix ans, lui et ses équipes ont ainsi ressuscité 10 kilomètres de ces canaux millénaires.
Marie Bolinches/vajo