Mirus signifie "étrange" en latin... et c'est ainsi qu'a été baptisée cette nouvelle famille de virus à ADN, vu la bizarrerie de la façon dont ces virus ont évolué. Ils sont présents à la surface des mers et des océans de notre globe, de l'équateur aux pôles, où ils infectent le plancton.
"Ce sont des virus 'chimériques', à mi-chemin entre les virus géants, également abondants dans les océans où ils n'infectent que des organismes unicellulaires, et le virus de l'herpès qui, lui, n'infecte que les animaux, dont les humains", décrit le biologiste Tom Delmont, chercheur CNRS, l'une des personnes autrices de l'étude publiée dans Nature.
Une découverte inattendue
La découverte inattendue a été faite en France au Genoscope, où sont séquencés les génomes récoltés par Tara Océans durant quatre ans: "On était en train d'explorer le 'tsunami' de données issues de l'expédition de 2009-2013, avec 300 milliards de séquences d'ADN, quand on est tombés sur un signal évolutif inhabituel", raconte à l'AFP ce spécialiste de l'écologie microbienne.
Ce signal était celui d'un gène marqueur porté par les virus géants, mais aussi par les mirusvirus. "C'était comme si on avait trouvé un trésor sur une immense plage de sable avec un détecteur de métaux", poursuit le chercheur.
Après plusieurs années d'analyse, les scientifiques du consortium Tara Océans ainsi que leurs collaboratrices et collaborateurs ont pu caractériser ce nouveau groupe de virus, qui s'avèrent très complexes et divers.
Comme notre microbiote intestinal
La découverte va permettre de mieux appréhender la biodiversité océanique et l'importance des virus dans ces écosystèmes: "On ne voit les virus que comme des maladies, mais leur présence dans les océans est naturelle et bénéfique – un peu comme notre microbiote intestinal", selon Tom Delmont.
"En infectant les cellules, ils les détruisent et cela remet des nutriments dans l'écosystème. Ce qui permet un renouvellement de l'activité du plancton", développe le biologiste.
Ces virus ont également une histoire évolutive étonnante car la composition particulière de leur génome suggère qu'il s'agit de "cousins lointains" de l'herpès.
Les virus de l'herpès sont très répandus chez les animaux et infectent plus de la moitié de la population humaine mondiale. Mais ils sont complètement absents des organismes unicellulaires marins et les équipes de recherche se demandaient pourquoi: "L'énigme pourrait être clarifiée ainsi: grâce aux mirusvirus, on imagine ce que pouvait être l'ancêtre océanique de l'herpès. Cet ancêtre aurait infecté des organismes unicellulaires dans les océans il y a des millions d'années, avant de se spécialiser dans l'infection des animaux", dit le chercheur.
La prochaine étape va consister à isoler et cultiver les mirusvirus pour mieux les observer. Les scientifiques savent déjà que certains virus sont impliqués dans le mécanisme de pompe à CO2 des océans. Dans leurs rêves les plus fous, chercheuses et chercheurs imaginent que les mirusvirus pourraient jouer un rôle dans cette régulation par le plancton et la façon dont il réagit face au réchauffement climatique.
>> Lire aussi : Les projets pour changer le climat et filtrer le CO2 ne font pas l'unanimité
Sujet radio: Sophie Iselin
Article web: Stéphanie Jaquet et l'afp