Des dirigeants réunis à Paris sur le traité mondial contre la pollution plastique
"Le plastique est dans la nature et maintenant il est dans nos poumons, donc il est plus que temps d'arrêter cet envahissement, d'abord en stoppant la croissance de la production de plastique", a déclaré la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna en amont des débats.
Il faut notamment "éliminer le plastique à usage unique (...) c'est 40% de la production mondiale qui est franchement inutile", a-t-elle ajouté.
Les discussions samedi matin portaient sur "la production, la consommation et l'utilisation durable des plastiques pour parvenir à une économie circulaire". L'après-midi doit être consacrée à la "gestion rationnelle des déchets plastiques" et la prévention de leur rejet dans l'environnement.
Mais "il faut qu'on fasse attention à ce que la question du recyclage ne remplace pas le débat sur la réduction de la production de plastiques", a ajouté le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.
La production dans le viseur
De nos jours, les deux-tiers de la production mondiale partent au rebut après une seule ou quelques utilisations, et moins de 10% des déchets plastiques sont recyclés. La production annuelle, qui a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes, pourrait quant à elle encore tripler d'ici 2060 si rien n'est fait.
"Si on augmente nos taux de recyclage, mais qu'en parallèle on augmente notre production, on aura reculé dans la résolution du problème. Donc, premièrement on réduit, deuxièmement on majore la part de recyclage", a ajouté Christophe Béchu.
Son propos fait référence à l'objectif de "réduction de l'usage et de la production" mis en avant par les pays les plus ambitieux, une coalition de 55 pays conduits par le Rwanda et la Norvège, comprenant l'Union européenne, le Canada, le Chili et, depuis vendredi, le Japon et le Gabon.
Le recyclage, une fausse bonne solution?
Cet objectif est aussi martelé par les ONG et les scientifiques. Mais d'autres nations, du côté de l'Asie - la Chine et l'Inde notamment - ou des États-Unis, se montrent plus réticentes et insistent avant tout sur le recyclage et la lutte contre les déchets abandonnés dans la nature.
"Les données les plus probantes montrent que la réduction de la production sera essentielle pour résoudre le problème", a déclaré Richard Thompson, membre de la Coalition des scientifiques pour un traité plastique performant. La part minime du recyclage s'explique aussi car "peu de produits ont été conçus en vue d'une économie circulaire", a-t-il expliqué, rappelant la nécessité de "redessiner la conception des matériaux".
Pour Nicolas Rochat, directeur de l'entreprise vaudoise Mover qui fabrique des vêtements de sport sans plastique, le recyclage de ce matériel ne fonctionne pas. "Le plastique est nocif pour l'environnement et notre santé. C'est une aberration de le recycler parce qu'on va le réinjecter dans l'environnement et le réintégrer dans nos organismes", précise-t-il dans le 12h30 de la RTS.
Il rappelle également que le recyclage de plastique est "plus gourmand en énergie" et plus polluant, en raison des produits chimiques utilisés pour y parvenir.
afp/iar
Cinq jours de discussions
Il y a un peu plus d'un an à Nairobi, au Kenya, 175 pays ont trouvé un accord de principe pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde avec l'ambition d'élaborer d'ici fin 2024 un traité juridiquement contraignant sous l'égide des Nations unies.
Après de première négociations techniques fin 2022 en Uruguay, Paris accueille de lundi à vendredi la deuxième session sur les cinq prévues. Les questions de gouvernance ont jusqu'à présent dominé les échanges mais les cinq jours de discussions doivent permettre de dessiner les principales orientations, voire une première ébauche de texte.
>> Relire : Vers un traité historique sur la pollution plastique mondiale
L'enjeu est de taille alors que le plastique, issu de la pétrochimie, est partout: emballages, fibres de vêtements, matériel de construction, outils médicaux. Des déchets de toutes tailles se retrouvent au fond des océans, dans la banquise, l'estomac des oiseaux et même au sommet des montagnes. Des microplastiques ont été détectés dans le sang, le lait maternel ou le placenta.
Le plastique pose aussi problème pour son rôle dans le réchauffement climatique: il représentait 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre en 2019, 3,4% des émissions mondiales, chiffre qui pourrait plus que doubler d'ici 2060 selon l'OCDE.
En avril au Japon, le G7 s'est fixé comme objectif de réduire à zéro les rejets plastiques dans l'environnement d'ici 2040.