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Face à l'ampleur des incendies de forêt, il faut désormais s'adapter

Un pompier éteint un feu de prairie dans la province de Colombie-Britannique, Canada. [Keystone/The Canadian Presse via AP - Darryl Dyck]
Des pistes pour limiter l’ampleur des incendies de forêt / Tout un monde / 7 min. / le 16 juin 2023
La sécheresse précoce laisse présager en Europe, comme en Amérique du Nord, un été inquiétant. Face à des incendies de grande ampleur, le défi consiste désormais à adapter les forêts et les mesures de préventions.

L'an dernier, la France a vécu une saison difficile sur le front des incendies, notamment dans le sud-ouest. Et l'Espagne était déjà touchée le mois dernier par des feux.

"Le comportement des feux est piloté par trois facteurs: la pente et le relief, les conditions météo, qui incluent le vent, la température et l'humidité de l'air, et, comme troisième facteur, la présence de combustible. Ce dernier facteur est le seul sur lequel l'être humain peut avoir une action", explique Dominique Morvan professeur à l'université d'Aix Marseille en mécanique des fluides et spécialiste de la physique des feux.

Il faut donc réduire le combustible, pour réduire l'intensité du feu. "Débroussailler ne signifie pas éliminer toute la végétation, ça veut dire éliminer la végétation qui se trouve au niveau du sol: tout ce qui est arbustes, herbes sèches, et également élaguer les branches basses des arbres. Si vous avez un feu qui se propage au sol, il y a de forts risques qu'il se communique au niveau des arbres", indique le spécialiste.

Des essences plus adaptées que d'autres

Certaines essences se sont adaptées: le pin noir ou le pin sylvestre par exemple, peuvent supporter des feux de sous-bois d'intensité faible à moyenne. C'est aussi le cas du chêne-liège, comme l'explique Claude Garcia, spécialiste des forêts tropicales et professeur à la Haute école spécialisée bernoise: "La température du feu est déterminante dans la survie ou non d'un arbre. Si la température n'est pas très élevée, l'arbre ne va pas être touché et va pouvoir survivre. Typiquement, l'écorce du chêne-liège va pouvoir le protéger".

Si le chêne-liège est résistant au feu, il ne peut cependant pas survivre aux attaques répétées, souligne Claude Garcia: "Quand les températures sont trop importantes, ce qui est le cas quand il y a de fortes chaleurs, mais surtout quand il y a beaucoup de combustibles, même les arbres les mieux adaptés y passent".

Certaines forêts davantage vulnérables

Certaines forêts comme celles des Landes ou de la Gironde, dont une partie a brûlé l'été dernier, sont particulièrement sensibles aux incendies. "Les forêts qui ont brûlé l'été dernier sont des forêts artificielles. Ce sont des champs d'arbres que l'on a développés pour l'industrie du papier ou des meubles. On a planté ces arbres de manière très serrée, donc la masse de combustible est importante", explique Dominique Morvan.

Pour le spécialiste de la physique des feux, les conditions d'exploitations de ces forêts et la manière dont elles ont été plantées expliquent leur vulnérabilité. Des conditions qui vont à l'encontre des règles de sécurité incendie que l'on pourrait développer. 

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A cela s'ajoute un autre phénomène: même si en apparence, le feu est éteint, l'incendie n'est parfois pas pour autant totalement terminé. C'est ce qui s'est produit dans les forêts qui ont brûlé l'an dernier dans le sud-ouest de la France. 

"Les feux ont commencé à enflammer les strates d'humus qui se trouvent au niveau du sol, qui est aussi plein de carbone; et là, ce sont des feux un peu particuliers que l'on appelle 'feux couvants', qui peuvent brûler très très longtemps. On observe même des retours de feux des mois après les incendies", précise le spécialiste.

Au Canada en 2016, les feux de Fort Mac Murray ont ainsi mis 15 mois avant d'être considérés comme définitivement éteints.

>> A écouter aussi un sujet de "Tout un monde" consacré aux incendies au Canada :

Les feux de forêt massifs sont décuplés dans les régions fortement boisées du Canada. [Keystone/Canadian Press via AP - Government of Alberta Fire Service]Keystone/Canadian Press via AP - Government of Alberta Fire Service
Pourquoi les forêts du Canada brûlent-elles à ce point maintenant ? / Tout un monde / 5 min. / le 16 juin 2023

Pour bien comprendre la force du feu, Dominique Morvan compare certains incendies à la puissance d'une centrale nucléaire. Contre ces feux, les six mètres cube que contiennent un Canadair ne peuvent pas grand-chose.

Dans l'incendie qui ravage actuellement les forêts canadiennes, les départs de feu sont en partie dus à la foudre. Les forêts boréales connaissent des orages secs qui se produisent quand la neige fond. La végétation sèche sous la neige, comme les fougères, devient alors un combustible qui ne demande qu'à brûler.

Un lien évident avec le changement climatique

Avec le changement climatique, la donne a changé même si les départs de feux ne sont pas d'origine humaine, estime Claude Garcia.

Nous avons transformé l'atmosphère avec l'activité industrielle. Donc même si le feu est naturel, même si les forêts sont adaptées au feu, les conditions ont changé

Claude Garcia, spécialiste des forêts tropicales et professeur à la Haute école spécialisée bernoise

Ce qui change, selon le spécialiste, ce sont les conditions: "Nous avons transformé l'atmosphère avec l'activité industrielle. Donc même si le feu est naturel, même si les forêts sont adaptées au feu, les conditions ont changé. Nos collègues canadiens, qui ont fort à faire en ce moment, ont montré que chaque degré de température qui augmente, augmente la superficie brûlée. Il y a un lien évident. [...] Comme il fait plus chaud, comme il fait plus sec, comme il y a plus de matériel combustible dans les forêts, les départs de feux sont plus intenses et plus grands".

Et lorsque le feu est déjà déclenché, des solutions existent pour stopper sa progression: creuser des tranchées par exemple, ou faire une coupure de combustible pour éviter que le feu ne contamine d'autres forêts.

Sujet radio: Blandine Levite

Adaptation web: ld

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En Espagne, on se prépare à l'arrivée des incendies

Les flammes sont pour le moment imaginaires mais les soldats du feu revêtent déjà leur uniforme en Espagne pour des exercices de préparation, espérant éviter de battre le triste record d'hectares brûlés de l'été dernier.

Dans une zone boisée de Castille-et-León (nord), un bataillon de l'Unité militaire d'urgence (UME) élargit un pare-feu, une langue de terre sans végétation destinée à stopper la propagation des flammes.

"Nous sommes en train de l'agrandir pour que, quand l'incendie arrive, il n'y ait plus de combustible" végétal, explique à l'AFP son capitaine, Adrián Vives, vêtu comme ses camarades d'un uniforme rouge barré de bandes fluorescentes.

Cette entité militaire, formée pour faire face aux situations d'urgence extrême, intervient régulièrement aux côtés des pompiers pour combattre les incendies les plus voraces ou dangereux pour la population.

Risques aggravés par le changement climatique

En 2022, près de 500 incendies ont dévoré plus de 300'000 hectares en Espagne, un record en Europe, selon le système européen d'information sur les feux de forêt (Effis).

Et cette année s'annonce tout aussi risquée pour ce pays touché de plein fouet par le changement climatique: le printemps qui s'achève a été le plus chaud jamais enregistré et le deuxième le plus sec, selon l'agence météorologique espagnole.

Lors des exercices, Adrián Vives constate que les vagues de chaleur et le manque de précipitations ont asséché la végétation, la rendant particulièrement "combustible" et donc propice au développement d'incendies de "grande intensité".

"Le changement climatique aggrave les risques" de propagation des incendies, rappelle le directeur général de la Protection Civile espagnole, Leonardo Marcos.

afp