![Avec 730 piscines, Lugano (TI) est la commune suisse qui compte le plus de piscines privées, suivie de près par cinq communes genevoises. [Keystone - Valentin Flauraud]](https://img.rts.ch/articles/2023/image/krjk9v-26154698.image?w=1280&h=720 "Avec 730 piscines, Lugano (TI) est la commune suisse qui compte le plus de piscines privées, suivie de près par cinq communes genevoises. [Keystone - Valentin Flauraud]")
L'impact écologique des piscines, un débat bien trempé
Souvent pointée du doigt parce qu'elle consomme beaucoup de ressources, notamment en eau et en électricité, la piscine est aussi très appréciée, surtout en période de fortes chaleurs. Mais la sécheresse pousse à se demander si le plaisir peut encore passer avant la bonne santé de la planète. Le débat est ouvert.
La Suisse connaît depuis ces dernières années un essor du nombre de nouvelles installations privées extérieures. Selon une enquête de la RTS publiée en juin, le pays en compte quelque 56'000 (soit une pour 155 habitants), avec aussi environ 450 bassins collectifs intérieurs (un pour 20'000 habitants) et 300 extérieurs. Le secteur des piscines et du wellness (qui comprend notamment les spas) pesait 38,2 milliards de dollars en Suisse en 2022, selon le Global Wellness Institute.
>> Pour en savoir plus, regarder notre carte des piscines individuelles : Combien y a-t-il de piscines privées dans votre commune? Notre carte
Combien y a-t-il de piscines privées dans votre commune? Notre carte
De l'autre côté de la frontière, 3,4 millions de bassins individuels ont été recensés en 2022, plaçant la France en deuxième position des pays qui en comptent le plus, derrière les Etats-Unis. Preuve de cet engouement, en 2022, il y en avait 188'600 de plus qu'en 2021, d'après les chiffres de la Fédération française des professionnels de la piscine et du spa (FPP).
Et alors que les piscines suisses ont nécessité 3,5 milliards de litres d'eau (soit environ 48'000 litres pour un bassin standard), pour être remplies, selon l'enquête de la RTS, se pose la question de leur utilisation en période de sécheresse. Plusieurs communes et cantons ont pris des mesures (voir encadré) pour réduire la consommation d'eau et anticiper un éventuel manque d'eau. Et ils ne sont pas les seuls: à l'étranger, des régions se sont aussi dotées de telles dispositions.
>> Revoir le sujet de Mise au point du 18 juin 2023 sur l'explosion du nombre de piscines privées :
![Mise au point - Explosion des piscines privées. [RTS]](https://img.rts.ch/medias/2023/image/9q8cx5-26922824.image?w=960&h=540)
Empreinte écologique colossale ou pas tant que ça, ces installations de plaisir font débat. D'autant que leur construction (destruction d'une zone comportant une faune et une flore pour installer un bassin, choix des matériaux...) et leur entretien avec des traitements chimiques génèrent une pollution qui s'ajoute à la consommation d'eau et d'énergie.
Mais la faîtière aqua suisse est persuadée qu'avoir une piscine chez soi diminue la pollution liée aux trajets de loisirs. "Les équipements privés encouragent les personnes à moins se déplacer dans les grandes infrastructures publiques. De même, permettre aux familles de cultiver un ciment social (grâce à leur piscine, ndlr) au lieu de recommencer à beaucoup voyager est un aspect écologique et économique à prendre en compte", juge son secrétaire général Olivier Savoy.
La consommation difficile à évaluer
La consommation d'eau de la totalité des bassins privés ne représente que 0,4% de la consommation annuelle en Suisse, selon la même enquête. Et en France, les piscines sont de moins en moins grandes et nécessitent donc moins d'eau. Leur taille a été réduite de 45% en 25 ans, selon la FPP.
L'organisation précise que "la consommation en eau d’une piscine familiale moyenne de 4x8 mètres correspond à environ 15 m3 par an (15'000 litres), soit plus de deux fois moins qu’une simple fuite de robinet, estimée à 35 m3". Donc la consommation d'eau liée à ce parc ne représente que 0,15% de l’eau consommée en France. Mais ces données sont nuancées par le Centre français d'information sur l'eau (Cieau) qui estime plutôt qu'un bassin privé utilise entre 50 et 80 m3 d'eau.
D'ailleurs, la part d'eau consommée dédiée aux piscines individuelles est relative puisque le chiffre donné par la FPP prend en compte l'utilisation totale en eau du pays et non celle d'un foyer moyen. Le Cieau évalue qu'un ménage de 2,5 Français consomme environ 120 m3 d'eau par an. Les bassins privés représentent donc 10% de sa consommation annuelle.
Les piscines individuelles utilisent 15 m3 par an, soit 0,15% de la consommation annuelle d'eau en France (...) et 200 kg de CO2 par an, soit l'équivalent d'un aller-retour Paris-Nantes en avion.
A noter que le remplissage complet d'une piscine individuelle ne se fait que de rares fois: au moment de la construction, en cas d'eau très dégradée après une période d'hivernage par exemple ou lors du changement du revêtement intérieur au bout d'une dizaine d'années ou plus selon son type (liner, carrelage...). Sa consommation d'eau au quotidien est donc différente selon les cas, car elle dépend de sa taille et des habitudes des propriétaires: les éclaboussures et l'évaporation ne sont pas gérées de la même manière par tous.
Concernant la consommation de CO2 d'une piscine, les chiffres ne sont pas plus définitifs: la FPP l'estime à 200 kilos par an pour une piscine de 4x8 mètres, soit l'équivalent d'un aller-retour Paris-Nantes en avion en classe économique pour une personne. Elle équivaut également à 1,2% de l’émission moyenne annuelle de CO2 d’un ménage français (il en émet en moyenne 16'400 kilos).
Avancées technologiques
Ces quinze dernières années ont permis de grandes avancées technologiques dans le secteur, relate dans l'émission Mise au point Alexandre Elie, directeur de Swiss Piscine.
Elles permettent de réduire la consommation de ressources: le volet solaire polycarbonate évite une déperdition de chaleur entre deux sessions de baignade, les spots à LED éclairent tout aussi bien le fond du bassin, la sonde de remplissage automatique stabilise la quantité d'eau, le régulateur de pH automatique évite de trop ou pas assez traiter l'eau.
Un récupérateur d'eau de pluie peut également être installé pour remplir son bassin avec. L'utilisation de panneaux solaires est une autre manière écologique de maintenir l'eau de son bassin chaude. Mais ces investissements représentent un coût supplémentaire, alors que construire une piscine nécessite déjà un budget important.
>> Sur le même sujet: le sujet de La Matinale sur la légère baisse de vente de piscines privées à cause de la hausse des taux d'intérêts des crédits :
![La vente de piscines privées est en légère perte de vitesse en Suisse (image d'illustration). [RTS]](https://img.rts.ch/articles/2023/image/dm80z0-26154734.image?w=960&h=384)
RTS L'eau de la piscine doit suivre un traitement rigoureux pour demeurer de la meilleure qualité possible, ce qui pose la question de la pollution engendrée. Parmi les solutions trouvées, l'une consiste à équiper son bassin d'un récupérateur de l'eau issue du contre-lavage. Sinon, il est aussi désormais possible de ne plus contre-laver l'eau grâce à l'installation d'un filtre à cartouche ou d'une poche filtrante.
Alexandre Elie ajoute que l'hivernage (généralement d'octobre à avril) ne nécessite désormais plus de vider la piscine mais de retirer "uniquement un quart pour purger le système de filtration". Il précise que cette quantité d'eau sera à nouveau remplie grâce à l'eau de pluie.
Pour rendre sa piscine plus écologique, Thomas Cisco, directeur de l'entreprise de construction Dr. Piscines, préconise d'opter pour "du béton recyclé ou de l'inox", en parallèle de l'emploi des dernières technologies. Cela permet "d'avoir un plan d'eau parfaitement durable et viable" mais d'autres solutions existent telles que "le bois et les bassins en coque polyester". Ils sont toutefois moins durables car "la coque par exemple nécessite beaucoup d'éléments chimiques pour être fabriquée". Le professionnel précise que les économies de ressource peuvent être faites "peu importe la taille, tant que l'eau est traitée avec bon sens". Et pour filtrer l'eau, il propose de se tourner vers un système de filtration bio minérale qui permet de le faire "de manière naturelle sans désinfection chimique".
L'Office fédéral de l'environnement ne dispose pas d'étude sur l'empreinte carbone des piscines selon leur type de construction.
Un sujet controversé
L'utilisation de l'eau potable dans les piscines fait débat et une pétition a été lancée par des citoyens vaudois pour interdire les nouvelles installations privées, mais elle a été rejetée en 2022. Seule la proposition du député socialiste fribourgeois Grégoire Kubski pour taxer leur remplissage en cas de pénurie d'eau est toujours sur la table. Selon ses calculs, l'eau utilisée par les bassins individuels du pays permettrait de "faire pousser plus de 16'000 tonnes de tomates, sachant qu'il faut 214 litres pour un kilos".
>> Ecouter le débat de Forum sur la taxation des piscines :
Comme son homologue du parti de gauche, le député UDC Roland Mesot estime que "la gestion de l'eau devrait faire l'objet de discussions". C'est d'ailleurs la raison qui a poussé l'Association des piscines romandes et tessinoises à enquêter sur leur consommation en eau et en électricité. Pour son président Christian Barascud, il faudrait une révision de l'ordonnance fédérale encadrant les bassins publics.
Julie Marty
Publié Modifié
Restreindre l'utilisation de l'eau aux usages vitaux en cas de sécheresse
La commune de Nyon (VD) a par exemple mis en place des mesures pour anticiper la sécheresse de l'été. L'arrosage des jardins est restreint, la cinquantaine de piscines privées ne peuvent plus être remplies et certaines fontaines publiques ne sont plus alimentées.
Pierre Wahlen, conseiller municipal de la Ville de Nyon, explique que ces précautions ont été prises à cause du trop faible niveau des sources d'eau et de pompage. "Le débit dans les nappes phréatiques qui approvisionnent en eau potable Nyon et les communes voisines sont en constante diminution depuis plusieurs années. Leur renouvellement est compromis par une consommation importante de l’eau ainsi que du changement climatique, en particulier durant la période estivale."
>> Pour en savoir plus sur les mesures prises en Suisse, relire : La Suisse prend des mesures pour anticiper la sécheresse
30% d'eau en moins consommée par jour
L'élu assure que l'eau doit être en priorité réservée aux besoins vitaux. "En été, nos sources d'eau sont approvisionnées à plus de 80% par de l'eau pompée dans le lac qui doit ensuite être filtrée puis traitée avant d’être réinjectée dans le réseau. Ces opérations sont gourmandes en énergie et la station de pompage atteint la limite de sa capacité lors des pics de consommation estivale. Il paraît dès lors évident que cette eau pompée doit en priorité être distribuée pour les besoins vitaux, puis l’arrosage des champs. Dans ce cadre, le remplissage des piscines ainsi que l’arrosage des pelouses et jardins d’agrément (hors potagers) ne paraissent ni vitaux, ni prioritaires, ni même nécessaires."
Ces mesures, qui avaient déjà été appliquées l'année dernière, sont efficaces puisqu'elles ont permis de "réduire la consommation moyenne journalière de 30%".
>> Ecouter aussi le sujet de La Matinale du 3 avril 2023 sur l'interdiction de remplir les piscines toscanes avec de l'eau potable :
![Les autorités toscanes interdisent de remplir les piscines avec l'eau potable cet été [AFP - WALTER ZERLA / CULTURA CREATIVE]](https://img.rts.ch/articles/2023/image/jujypa-26114565.image?w=960&h=384)
AFP - WALTER ZERLA / CULTURA CREATIVE L'arrosage, pire que le reste
Le conseiller municipal indique que ce sont surtout les arrosages qui consomment beaucoup et que ce sont d'abord eux qu'il faut viser. "Nous observons une hausse significative de la consommation d’eau en été, lorsque les précipitations sont insuffisantes et que les températures sont élevées. Cette surconsommation est liée en grande partie à l’arrosage. A priori, les propriétaires de piscine n’attendent pas l’été pour procéder à la vidange puis au remplissage de leur piscine qui s’effectue plutôt au printemps."
Il faut réfléchir à une gestion rigoureuse de l'eau et s’interroger sur la multiplication de piscines privées, gourmandes en cette ressource précieuse, bien que printanière
Mais il insiste sur l'empreinte des piscines privées sur le niveau d'eau disponible. "L’impact écologique des piscines n’est pas déterminant en période de sécheresse. Il s’inscrit dans un environnement où toutes les ressources sont limitées. Il s’agit de les utiliser à bon escient. Mais compte tenu des diminutions des débits des sources et du niveau des nappes phréatiques qui n’arrivent plus à se reconstituer, il est nécessaire de réfléchir à une gestion rigoureuse de cette ressource précieuse et de s’interroger sur la multiplication de piscines privées gourmandes en eau, quand bien même printanière."
Piscine publique ou privée: laquelle a le moins d'impact écologique?
Avec une contenance moyenne de 500 à 6000 m3 d'eau, les bassins publics peuvent paraître plus consommateurs que les privés, mais tout dépend du point de vue. Pour Pierre Wahlen, "une piscine publique consomme bien moins d’eau par habitant que plusieurs bassins privés car la capacité et l’accessibilité y est nettement supérieure. Par exemple, la piscine publique de Colovray (VD) et ses deux bassins représentent un volume d’eau d’environ 4200 m3, soit l’équivalent de 120 piscines privées."
Il ajoute que "la piscine publique rafraîchit en été plus de 4000 personnes là où le volume équivalent de 120 piscines privées bénéficie à 120 familles, soit à un maximum de 600 personnes (...). Le remplissage des 148 piscines de Prangins (VD) correspond à la consommation de l’ensemble des 3000 habitants du village pendant près de 10 jours."
"L’impact écologique d'une piscine privée est donc près de sept fois supérieur à celui d’une piscine publique", conclut le conseiller municipal de la Ville de Nyon.