En Floride, une course contre la montre pour sauver les coraux du réchauffement
Dans le détroit de Floride, la température de l'eau dépasse régulièrement les 32 degrés celsius. Lundi passé, elle a même atteint 38,3 degrés dans la baie de Manatee, un record absolu.
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Jour après jour, des membres de la fondation pour la restauration des coraux prennent la mer et bravent des températures brûlantes à l'extérieur pour atteindre les récifs et plonger vers des nurseries de coraux situées en haute mer pour récupérer des spécimens qu'ils mettront en sécurité dans des laboratoires.
Ils les y déposent dans des bacs maintenus à une température variant entre 21 et 28,8 degrés, la fourchette acceptable pour les coraux, explique Alex Neufeld, responsable de la logistique au sein de la fondation.
Algues nourrissantes
L'action est urgente, car cette chaleur inhabituelle stresse les coraux, qui expulsent de ce fait leurs zooxanthelles, des algues vivant en symbiose avec eux qui leur fournissent les nutriments dont ils ont besoin. Et en les expulsant, ils perdent aussi leur couleur: on parle alors de blanchissement des coraux, le symptôme annonciateur de leur mort certaine si rien n'est fait rapidement.
Or, depuis quelques semaines, le phénomène est massif: "Je n'ai jamais rien vu de pire [...] Cela peut potentiellement devenir le plus grave [épisode de blanchissement] de l'histoire des Keys", un archipel au large de la Floride, ajoute Alex Neufeld. Le dernier événement de cette ampleur remonte à 2014.
L'une des plus longues du monde
La barrière de corail de Floride est l'une des plus longues au monde: elle s'étend sur plus de 500 km, en épousant l'arrondi de la côte, qu'elle longe du nord, près de Sainte-Lucie, jusqu'à son extrémité sud et l'archipel des Keys.
Son rôle est essentiel à bien des niveaux: c'est une réserve de biodiversité marine, un refuge pour la faune, mais aussi un rempart face aux ouragans et aux fortes marées.
Une situation "terrible"
"Ce qui se passe depuis plusieurs semaines est terrible, impressionnant. J'avais envie de pleurer quand j'ai fait de la plongée", se lamente Brian Branigan, patron d'une entreprise qui loue des bateaux dans l'archipel, à Big Pine Key.
Brian Branigan a emmené l'AFP jusqu'au récif de Looe, à quelque 10 km de la côte, où l'on peut observer des barracudas, des poissons-perroquets et des coraux qui pâlissent.
"Cette eau trop chaude n'est bonne pour aucune espèce marine: ni pour les coraux ni pour les poissons ou les langoustes", explique Alex Neufeld. "Le risque, c'est qu'il y ait une hécatombe de poissons, de tortues de mer..." et le pire, ajoute-t-il, c'est que l'été a encore de beaux jours devant lui.
Prélèvements sur toutes les espèces
Par conséquent, "ces deux dernières semaines, nous avons réalisé des prélèvements de toutes les espèces et de toutes les souches génétiques avec lesquelles nous travaillons", dit-il.
Les coraux prélevés par plusieurs ONG, dont la sienne, sont notamment déposés au laboratoire marin de l'institut océanographique de Floride, où ils seront préservés dans des bacs d'eau de mer jusqu'à ce que la température redevienne supportable. La bonne nouvelle, c'est qu'un corail qui a blanchi peut encore être sauvé.
Impact économique
En parallèle, l'ONG surveille les récifs pour identifier des sites qui résistent mieux, où elle choisira sans doute de réimplanter les coraux à l'avenir. Pendant ce temps, le capitaine Branigan s'inquiète.
Cette catastrophe silencieuse lui fait mal parce qu'il a un attachement sentimental à ces eaux cristallines où il a appris à plonger il y a presque un demi-siècle. Mais aussi parce qu'elle pourrait provoquer sa perte financière. Les merveilles de l'archipel font en effet vivre à temps plein ou partiel quelque 70'400 professionnels - pêcheurs, plongeurs, guides - dont les revenus représentent chaque année deux milliards de dollars.
"Nous sommes inquiets à titre personnel et financier. Et je suis persuadé que tout cela va avoir des conséquences négatives, voire catastrophiques", lâche-t-il.
En Floride, plusieurs ONG se mobilisent par ailleurs depuis des années pour sauver les coraux, notamment en cherchant à développer des espèces au génotype particulièrement résistant.
afp/ami