Christian Clot: "Il y a une augmentation de la haine pendant les périodes de canicule"
Après avoir supporté la chaleur, l'humidité et les précipitations de la Guyane, puis le froid polaire de la Laponie, Christian Clot a terminé au mois de juin dernier sa troisième expédition "Deep Climate" dans le désert du Néfoud, en Arabie saoudite. Un environnement au climat très sec où les températures peuvent atteindre jusqu'à 45 degrés durant la journée.
Au cours de ces missions, l'explorateur est accompagné de 10 hommes et de 10 femmes de la société civile pendant une quarantaine de jours. Le but? Comprendre comment des gens qui ne sont ni formés, ni spécialement préparés à ce type d'expéditions, peuvent supporter ces conditions extrêmes.
Un impact sur le cerveau
Invité de La Matinale mardi, Christian Clot a rappelé que les fortes chaleurs avait un effet physiologique extrêmement lourd, notamment sur le système cardiovasculaire ou la thermorégulation, plus encore pour les personnes souffrant déjà de pathologies.
Pour le Franco-Suisse, il existe pourtant un angle mort, dont on parle sans doute trop peu: le cerveau.
"On oublie souvent de parler de cet impact. Il y a quelques mois, une étude américaine a montré une augmentation de la haine pendant les périodes de chaleur. On est en train de réussir à expliquer ce phénomène. Un cerveau, quand il est soumis à ces chaleurs, doit en quelque sorte se mettre en mode 'dégradé', au risque de 'surchauffer', même si cela reste évidemment une image", explique-t-il.
Et de détailler: "Le cerveau ne peut pas utiliser toutes ses fonctions de manière classique, ce qui veut dire qu'on doit lui retirer certaines compétences et, parmi celles-ci, il y a sans doute la compétence sociale, qui nous permet de vivre en société."
Un risque "d'embrasement sociétal"
D'après le fondateur de l'Institut de l'adaptation humaine, l'un des enjeux sera justement de réussir à maîtriser cet aspect. "Quand on aura une population entière un peu à la limite (du fait des conditions climatiques, ndlr), il faudra savoir comment stabiliser la situation, car le risque d'embrasement sociétal est au moins aussi important que le risque climatique en soi", juge-t-il.
C'est d'ailleurs là le paradoxe principal, estime l'explorateur. "Pour faire face à ces conditions, il faut coopérer au maximum avec les autres, parce qu'on ne va pas tous à la même vitesse dans la manière de nous adapter (...) alors que nos cerveaux nous poussent à nous renfermer sur nous-mêmes".
Une réalité qui ne conduit toutefois pas Christian Clot au pessimisme car la marge de progression existe d'après lui justement au niveau du cerveau. "Le physique s'adapte assez mal aux nouvelles conditions. On ne va pas pouvoir modifier beaucoup notre peau, notre système vasculaire, etc... mais le cerveau est capable d'évolution, de se transformer, même s'il a besoin de temps", conclut-il.
Propos recueillis par Benjamin Luis
Adaptation web: Tristan Hertig