Sur la quinzaine de projets de compensation examinés par l'étude, tous réalisés selon le protocole REDD+ sur le marché volontaire du carbone, seuls 5,4 millions de crédits sur 89 millions, soit environ 6%, ont réellement permis de réduire les émissions de carbone, ont rapporté cette semaine des scientifiques dans la revue Science.
Sur les marchés du carbone, un crédit représente une tonne de CO2 qui est soit retirée de l'atmosphère grâce à la croissance des arbres, soit empêchée d'y pénétrer grâce à la déforestation évitée.
Chaque année, la combustion des énergies fossiles et, dans une bien moindre mesure, la déforestation, émettent environ 40 milliards de tonnes de CO2, principal facteur de réchauffement de la planète.
La déforestation à peine ou pas réduite
Pour cette étude, l'une des premières du genre, les scientifiques ont examiné 18 projets REDD+ au Pérou, en Colombie, au Cambodge, en Tanzanie et en République démocratique du Congo et identifié des sites de référence au sein de chaque région, présentant des conditions similaires, mais ne disposant pas de systèmes de protection des forêts.
Seize projets prétendaient avoir évité une déforestation bien plus importante que celle qui avait eu lieu sur les sites de référence. Mais sur les 89 millions de crédits carbone générés par les 18 projets en 2020, 60 millions auraient à peine réduit la déforestation, voire pas du tout, assure l'étude.
Une incitation permanente à l'exagération
Parmi les failles révélées: un volume de compensation attendu calculé sur la base de tendances historiques inexactes ou délibérément surestimées. Prévoir les taux de déforestation ou de boisement sur une longue période, comme cela est demandé par le programme REDD+, est difficile.
Mais l'élément le plus problématique reste l'incitation permanente à l'exagération avec "des incitations perverses à générer un grand nombre de crédits carbone", a indiqué dans un communiqué Andreas Kontoleon, l'un des auteurs de l'étude.
Dans ce marché encore trop peu réglementé et critiqué pour son manque de transparence, "l'industrie doit s'efforcer de combler les lacunes qui pourraient permettre à des acteurs de mauvaise foi d'exploiter les marchés de compensation", prône-t-il.
Un marché qui a explosé
Alors que le changement climatique s'accélère et que la pression monte sur les entreprises et les pays pour qu'ils réduisent leurs émissions, le marché des crédits carbone a explosé avec, en 2021, plus de 150 millions de crédits émis dans le cadre du programme REDD+ ("Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement") pour une valeur de 1,3 milliard de dollars.
Les projets examinés par l'étude sont toutefois distincts de ceux réalisés sous l'égide de l'ONU, également appelés REDD+, et qui sont mis en place grâce à des accords bilatéraux et les institutions financières multilatérales.
ats/juma