Ce nouveau rappel à l'ordre intervient au moment où les dirigeants des grandes nations du G20 se réunissent à New Delhi, avec peu d'espoir de réaliser des avancées ambitieuses sur la question climatique. Les émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis et de l'Europe baissent depuis des années, tandis que celles de la Chine (1er émetteur) et de l'Inde continuent d'augmenter.
Très attendu, ce rapport de 90 pages et 17 "enseignements clés" constitue le premier bilan de tous les efforts accomplis ou non depuis 2015 par l'humanité pour respecter l'accord de Paris et son objectif le plus ambitieux de limiter le réchauffement à 1,5°C.
Il constitue la première étape, technique, du premier "bilan mondial" (Global stocktake) de l'accord de Paris, que les pays signataires doivent conclure à la 28e conférence climatique de l'ONU, du 30 novembre au 12 décembre aux Emirats arabes unis, en s'accordant sur une décision politique à la hauteur des enjeux - a fortiori après l'été le plus chaud jamais mesuré dans le monde, frappé de multiples canicules, inondations, incendies et autres événements météo extrêmes favorisés par le changement climatique.
Rapports alarmants
Puisant dans les alarmants rapports scientifiques du GIEC, ce bilan sera donc la base indiscutable des âpres négociations de cette conférence, annoncée comme la plus grande COP jamais réunie (90'000 personnes attendues), avec au coeur l'avenir des énergies fossiles: charbon, pétrole et gaz.
"Le monde n'est pas sur la trajectoire pour atteindre les objectifs de long terme de l'accord de Paris", conclut sans surprise le rapport.
Pendant ce temps, le réchauffement mondial a déjà atteint environ 1,2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Et ses effets dévastateurs sont démultipliés à chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire.
"Bien que l'action se poursuive, il reste encore beaucoup à faire sur tous les fronts", résume le rapport.
En particulier, "développer les énergies renouvelables et sortir de tous les combustibles fossiles sans captage du CO2 sont des éléments indispensables d'une transition énergétique juste vers la neutralité carbone", affirme la synthèse, achevant de mettre la question des fossiles, non explicite dans l'accord de Paris, au coeur des négociations.
L'humanité doit "réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43 % d'ici à 2030 et de 60 % d'ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019", et atteindre la neutralité carbone en 2050, rappelle encore le rapport. Mais le temps presse.
Fenêtre qui se referme
"Il existe une fenêtre qui se referme rapidement pour rehausser les ambitions et mettre en oeuvre les engagements existants afin de limiter le réchauffement à 1,5°C", prévient le bilan, rédigé par un expert sud-africain et son homologue américain après des années de consultations avec les experts des pays membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) et les observateurs des ONG environnementales.
En réponse, le rapport décrit une nouvelle fois les pistes pour multiplier les efforts en faveur de la finance, en premier lieu vers les pays en développement.
"Les principes fondamentaux de l'accord de Paris ne sont pas encore respectés par les 197 parties" mais "la charge de la réponse incombe à 20 pays" en premier lieu, a déclaré jeudi le chef de l'ONU Climat, Simon Stiell, en direction des dirigeants du G20.
Le président de la COP28 et de la compagnie pétrolière nationale émiratie, Sultan Al Jaber, a réagi en appelant à "tripler les énergies renouvelables d'ici à 2030, commercialiser d'autres solutions sans carbone, comme l'hydrogène, et développer un système énergétique exempt de tout combustible fossile sans captage de CO2, tout en éliminant les émissions des énergies que nous utilisons aujourd'hui".
"La réussite de la COP28 dépendra en grande partie de la manière dont le monde réagira aux résultats du bilan mondial", a réagi Kaveh Guilanpour, du centre de recherches sur le climat C2ES. Mais "l'heure de vérité sonnera au début de l'année 2025, lorsque les pays devront mettre sur la table de nouveaux objectifs climatiques", comme prévu par l'accord de Paris.
afp/ther