Le bourdon battra de l'aile à cause du réchauffement et de l'agriculture intensive
Les 68 espèces de bourdons européens, un groupe particulier d'abeilles, sont majoritairement adaptées aux climats tempérés ou froids de l'hémisphère nord. Ces insectes au corps velu et trapu figurent parmi les principaux pollinisateurs, essentiels à la reproduction des plantes sauvages comme des plantes cultivées (tomates, poivrons, colza, melons...).
Une équipe de chercheurs d'universités en Belgique a collecté des données sur la distribution des 46 espèces de bourdons à travers le continent, couvrant des périodes passées (1901 à 1970) et récentes (2000 à 2014): plus de 400'000 observations, archivées par les musées.
Ils les ont combinées aux dernières modélisations de changements climatiques du GIEC, le groupe d'experts de l'ONU sur le climat, ainsi qu'à des modèles prédisant les changements d'occupation des sols.
Aire de distribution moindre
Conclusions: "Jusqu'à 75% des espèces de bourdons qui aujourd'hui ne sont pas menacées vont voir leur aire de distribution diminuer de 30% d'ici 2061-2080", déclare Guillaume Ghisbain, de l'Université libre de Bruxelles et premier auteur de l'étude.
En 2080, l'espèce la plus commune, le bourdon terrestre, qu'on reconnaît dans nos jardins à ses deux bandes jaunes et son derrière blanc, "verrait la limite (sud: ndlr) de son aire de répartition géographique, actuellement au seuil du Sahara, remonter jusqu'à la Loire", précise Pierre Rasmont du laboratoire de zoologie de l'Université de Mons.
Parmi les sspèces en danger
De "préoccupation mineure" dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la plupart des espèces de bourdons risquent de basculer dans la catégorie des espèces en danger.
Les bourdons des régions arctiques et alpines risquent même d'être au bord de l'extinction, avec une perte d'au moins 90% de leur habitat, relève l'étude.
"Un habitat favorable suppose des variables environnementales liées aux paysages et à l'utilisation des sols", explique Denis Michez, professeur d'entomologie à l'Université de Mons, co-auteur des travaux.
L'agriculture intensive en cause
"L'agriculture intensive fragmente les habitats et repose sur des engrais synthétiques qui enrichissent artificiellement le sol en azote. Or les bourdons consomment surtout des plantes qui poussent dans les sols pauvres en azote", comme le trèfle, développe Guillaume Ghisbain.
Sans parler des effets néfastes des pesticides, comme les néonicotinoïdes, même s'ils n'ont pas été intégrés à ces prédictions.
Les bourdons sont aussi victimes du dérèglement climatique, avec les vagues de sécheresse qui tuent les plantes qu'ils butinent, et surtout l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des canicules.
Car à part quelques espèces résistantes, les bourdons meurent à des températures trop élevées. "On l'a constaté dans notre laboratoire un jour où la climatisation est tombée en panne: il faisait 40 degrés, nos colonies sont mortes en moins d'une heure. Certains survivent mais leurs spermatozoïdes deviennent déficients", raconte Pierre Rasmont.
furr avec ats