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Manger moins de viande, ça change quoi pour vous?

Dans sa nouvelle stratégie climatique, lancée le mardi 5 septembre, la Confédération appelle à manger moins de viande, avec un double objectif: rendre le système alimentaire plus durable et assurer la sécurité alimentaire d’ici 2050. Et pour vous, ça change quoi?
Manger moins de viande, ça change quoi pour vous? [RTS]
Manger moins de viande, ça change quoi pour vous? / Ça change quoi pour vous ? / 5 min. / le 15 septembre 2023

La Confédération estime qu’en Suisse, on produit et on mange trop de viande. C’est ce que déclarait le vice-directeur de l’office fédéral de la sécurité alimentaire Michael Beer dans le 19h30 du 5 septembre dernier: "La population mange trois fois plus de viande que ce qui est conseillé, la production de viande a une grande influence sur le climat et la production d’eau, c’est pourquoi c’est important de réduire notre consommation de viande."

Pour atteindre ses objectifs, la stratégie n’est pas d’interdire, mais d’inciter à produire plus de protéines végétales via les paiements directs à l’agriculture. Elle ne convainc pas Christophe Lonchamp, éleveur à Chavannes-le-Veyron dans le canton de Vaud. "Ça serait compliqué. Mon exploitation est actuellement basée sur la production de viande et il faudrait un certain temps pour le faire. Il faudrait aussi que le consommateur soit prêt à changer ses habitudes de consommation."

Elle ne convainc pas non plus le WWF qui trouve cette stratégie trop peu contraignante. "La pub pour la viande, ce sont plusieurs millions d’argent public investis par année alors qu’en même temps, on propose aux consommatrices et au consommateurs de moins en consommer", constate Océane Dayer, du WWF Suisse, dans le 19h30.

La viande en chiffres

Chaque année, en Suisse, on consomme 50 kg de viande par personne, c’est 3 fois les recommandations en matière de santé. En Europe, c’est plus: 80 kilos par année et par personne en moyenne, et même 125 kg aux Etats-Unis.

Selon l’ONU, cette consommation représente 14,5% des émissions mondiales de CO2. Produire un kilo de bœuf, c’est 10 fois la quantité d’eau utilisée pour produire un kilo de riz. Et 70% des terres agricoles sont aujourd’hui utilisées pour l’élevage alors que le manque de terre pousse à la déforestation.

Toujours selon l’ONU, si on réduisait notre consommation de 10 à 20%, on économiserait une gigatonne de CO2, soit le total des émissions annuelles de l’industrie aéronautique.

Aujourd’hui la part de population qui ne mange pas de viande est estimée à 5% on pourrait monter à 10% dans dix ans.

>> Voir le décryptage du 19h30 à ce sujet :

Charlotte Onfroy-Barrier revient sur l’impact de la consommation excessive de viande en Suisse.
Charlotte Onfroy-Barrier revient sur l’impact de la consommation excessive de viande en Suisse. / 19h30 / 1 min. / le 26 juillet 2023

La viande du futur

Une start-up israélienne qui promet de produire un steak de bœuf en laboratoire en 4 à 6 semaines vient de déposer une demande de commercialisation en Suisse. "Nous sommes capables de produire directement les parties comestibles de l’animal avec beaucoup moins de temps nécessaire et uniquement avec les ressources nécessaires pour produire cette partie comestible en termes d’eau de nutriment", assurait Didier Toubia, cofondateur et directeur général d'Aleph Farms, dans le 19h30 du 26 juillet 2023.

>> Lire : Première demande déposée en Suisse pour commercialiser de la viande cultivée en laboratoire et 19h30

Une prouesse dans laquelle la Migros a choisi d’investir. "Ça reste encore une sorte de prototype, c’est-à-dire que le prix de production serait impossible maintenant à vendre en magasin. Et la quantité non plus. Et de toutes façons, ce n’est pas encore autorisé", complétait le porte-parole de la Migros Tristan Cerf, dans la même édition du

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Une solution qui divise l'agriculture

Si aujourd’hui la recherche est faite en laboratoire, dans les prochaines décennies la viande de synthèse pourrait bien être produite de manière locale dans nos fermes et élevages. L’idée séduit en tout cas la Fenaco, société coopérative suisse qui regroupe 23000 agricultrices et agriculteurs et qui a choisi de sponsoriser un projet néerlandais Respect Farm qui va dans ce sens.

"Ce qui nous a paru très intéressant avec le projet Respect Farm, c’est que les agriculteurs et agricultrices vont travailler leur propre matériel génétique, leurs cellules, qu’ils auront prélevées dans leurs animaux et ils vont les nourrir avec leur produits cultivés sur leur terre et dans leurs champs", explique Geneviève Gassmann, cheffe région Suisse romande à la Fenaco, dans À bon entendeur le 29 août.

Cette participation est loin de plaire à toute la branche. Le conseiller national UDC et paysan Pierre-André Page a d’ailleurs déposé une motion pour interdire la viande de synthèse, qu’il envisage comme une menace pour l’agriculture suisse.

"Je pense que dans les campagnes suisses, c’est une idée qui va probablement amener beaucoup d’oppositions. Je peux imaginer cependant que dans les villes, on va pouvoir trouver des publics qui sont assez porteurs, comme à Zurich, ville du premier restaurant végétarien au monde", estime Nicolas Salliou, agroéconomiste EPFZ et spécialiste transitions agricoles et alimentaires.

Disponible à Singapour

Cette viande de synthèse représente des milliards d’investissement, mais à ce jour elle n’est disponible que sur l’île de Singapour… chez un boucher suisse devenu célèbre dans le monde entier, Daniel Huber: "Oui, c’est du poulet cultivé dont les cellules sont extraites d’un vrai poulet et sont multipliées dans une usine. Ensuite, le produit est complété avec des ingrédients de base et ainsi on obtient de la viande de poulet", expliquait-il dans le magazine À bon entendeur le 29 août dernier.

Et vous dans tout ça?

Cette nouvelle stratégie fédérale ne nous oblige pas pas à limiter notre consommation de viande, elle nous rappelle toutefois que c’est le moyen le plus efficace pour réduire notre empreinte carbone, devant l’avion et la voiture.

Tofu, soja, lentilles, il existe plein de manières savoureuses de faire le plein de protéines, de quoi protéger la nature et notre santé en réduisant les risques de maladie cardiovasculaires et de cancer liés à la surconsommation de viande.

Claire Burgy

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