L'ambassadeur pour l'Environnement Felix Wertli sur les objectifs de l'Accord de Paris: "On n'y est pas"
L'accord de Paris a été signé en 2015 par 193 pays avec l'objectif de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré. Les Etats devant communiquer sur leur progression tous les cinq ans, le premier bilan est paru le 8 septembre 2023. Felix Wertli indique qu'au vu du rapport publié par le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, "on n'y est pas".
>> Lire également : L'accord de Paris menacé par le manque d'ambition, selon un rapport de l'ONU
"Les trajectoires actuelles ne nous permettront pas d'atteindre les objectifs", précise-t-il lundi dans La Matinale de la RTS.
Selon l'ambassadeur pour le climat, tout n'est pas perdu toutefois: "On voit aussi que certains mécanismes d'ambition peuvent fonctionner et que si on continue à utiliser ceux mis à disposition, on peut encore atteindre l'objectif de 1,5 degré". La priorité pour la Suisse est vraiment de limiter le réchauffement climatique à cette température, souligne-t-il.
L'ambassadeur pour l'Environnement s'est rendu à Abou Dhabi (Emirats arabes unis) pour assister à la "Pré-COP" fin octobre. "C'est le moment pour échanger, voir quels sont les objectifs, sentir la température et voir où il y encore des différences", décrit-il.
Cette année, la COP 28 - qui se tiendra à Dubaï aux Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre - mettra l'accent sur les énergies renouvelables.
>> Sur le sujet, lire : La COP28 aux Emirats arabes unis fait face à de nombreuses critiques
Trois objectifs pour la Suisse
"Nous avons trois objectifs principaux", détaille Felix Wertli. "Premièrement, il faut des recommandations qui permettent d'atteindre 1,5 degré, donc elles doivent être fondées sur celles du GIEC. Deuxièmement, on veut des objectifs très clairs pour les énergies renouvelables qu'il faut augmenter massivement car ce sont elles le futur, pas les énergies fossiles. Troisièmement, il faut discuter des financements".
Ainsi, celui qui représente la Suisse à l'étranger sur la question environnementale explique qu'a priori, il y a suffisamment de moyens financiers pour y arriver, mais qu'ils ne sont pas bien utilisés.
Une autre nécessité pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris est de soutenir les pays les plus pauvres et vulnérables dans leurs efforts pour atténuer ou faire face aux changements climatiques.
Trop de signataires
Pour Felix Wertli, les Etats signataires ont de la peine à atteindre l'objectif fixé car ils sont nombreux et font donc face à des situations différentes. "On est presque 200 Etats à devoir trouver un consensus avec des intérêts particuliers et des situations économiques différentes, donc ce n'est pas évident".
Une solution a été trouvée de mettre en place "un système qui permet de définir des objectifs globaux" et aussi de donner la possibilité "à chaque pays de contribuer à sa manière, en fonction de sa détermination".
Par exemple, en Suisse, "on s'engage beaucoup à être plus transparents." "Une meilleure comparaison entre les différentes contributions permet d'augmenter la pression. Ça a pas mal fonctionné par le passé et on veut à nouveau l'initier avec les objectifs nationaux ", ajoute l'invité.
Miser sur l'ambition et la cohésion des Etats
Mais pas question de viser les mauvais élèves. "Je crois qu'un langage punitif n'aide pas dans ce contexte. Les pays sont très sensibles à leur souveraineté. Il faut plutôt nous soutenir mutuellement et trouver des mécanismes d'encouragement pour augmenter l'ambition."
S'appuyer sur la science pourrait permettre de développer l'ambition, car elle "ne peut pas être contestée, elle n'est pas négociable", assure Felix Wertli.
Le positif, pour l'ambassadeur, est que lutter contre le réchauffement climatique est un objectif commun, donc "ça nous rassemble". D'autant que les pays du G20 contribuent à 80% des émissions de gaz à effet de serre. "Si on n'inclut pas tous ces acteurs, on n'y arrivera pas."
La difficulté, selon Felix Wertli, est de dissoudre les différents blocs, avec notamment des tensions entre les pays développés et ceux en voie de développement.
"D'un côté, il y a des pays comme l'Arabie saoudite, la Corée du Sud, Singapour et la Chine qui sont des puissances économiques et qui se revendiquent pays en développement et de l'autre côté, les pays les moins avancés qui sont les plus vulnérables et qui n'ont pas les moyens", constate l'ambassadeur. "Dès qu'ils négocient comme un groupe, c'est très difficile d'identifier leurs besoins et le potentiel qu'ils ont pour contribuer", conclut-il.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Julie Marty
La place de la Suisse
La Suisse apparaît comme un partenaire fiable aux yeux des autres pays, assure Felix wertli. Nous avons toujours tenus nos promesses, nos obligations."
"On a une équipe de scientifiques très engagés dans le changement climatique", ajoute-t-il.
La Suisse préside, depuis la COP 27, l'un des groupes de négociations composé de la Corée du Sud, du Liechtenstein, du Mexique, de la Géorgie et de Monaco. "C'est un groupe unique. C'est le seul qui mêle pays en développement et pays développés ensemble".
Une diversité qui lui permet de "faire le pont" avec les autres groupes et de "réfléchir à des solutions qui conviennent à d'autres Etats. Donc la Suisse n'a pas perdu son influence. Elle est toujours un acteur important", complète l'ambassadeur de l'Environnement.
La Suisse a été "approchée par d'autres pays" sur le sujet de sa décarbonation à l'étranger
La Suisse qui prévoit de décarboner une partie de ses émission de gaz à effet de serre à l'étranger, s'est faite "approcher par d'autres pays pour signer des accords bilatéraux", indique encore Felix Wertli. "Donc l'intérêt est là!"
Il précise que cette décarbonation fait partie de l'"article 6 de l'Accord de Paris" et qu'elle est nécessaire "pour atteindre l'objectif national". "Avec ça on contribue à la lutte contre le changement climatique."
>> Pour en savoir plus sur ces nouveaux accords, lire : La Suisse va conclure de nouveaux accords pour compenser ses émissions CO2 à l'étranger