Chaque jour, 20 avions chargés d'articles de fast fashion sillonnent le ciel européen, dénonce Public Eye
Dans le viseur de Public Eye, la boutique en ligne controversée Shein et le groupe Inditex, détenteur des marques Zara, Massimo Dutti, Bershka, Pull&Bear, Oysho et Stradivarius. En Suisse, Inditex exploite 38 magasins. Le volume de vêtements transportés par ces marques par avion à travers le monde, y compris en Europe, est impressionnant: chaque jour, l’équivalent de 20 avions remplis d’articles de fast fashion serait transporté à travers l’Union européenne. Public Eye dénonce ce mode de transport dans son dernier rapport.
Une stratégie commerciale
Géraldine Viret, porte-parole de Public Eye, explique dans l’émission On en parle l’ampleur du phénomène: "La stratégie de la fast fashion consiste à vendre toujours plus, toujours plus vite en proposant fréquemment de nouveaux modèles. Le fret aérien participe à cette stratégie. Nous n’avons pas de données exhaustives là-dessus. Cependant, les données de 2022 des douanes de l’Union européenne indiquent que plus de 700'000 tonnes de vêtements ont été transportées par avion. Cela représente 20 avions-cargo quotidiens exclusivement consacrés au transport de vêtements."
Pourtant, dans l’industrie de la mode, l’impact du transport sur les émissions à effet de serre est relativement mineur à côté de la production des vêtements eux-mêmes: 3% selon une étude de Quantis, société suisse de conseil en environnement. Pour Géraldine Viret, "ces 3% sont une moyenne. Pour les enseignes accros à la mode avion comme Inditex, ce pourcentage augmente fortement, jusqu’à 10%. Selon des estimations, les émissions de gaz à effet de serre générées par le transport en avion sont 14 fois plus élevées que pour le transport par bateau. Face au bilan environnemental et social de la fast fashion, je pense qu'il faut agir partout où cela est possible."
Outre les enseignes envoyant leurs articles par fret aérien comme celles du groupe Inditex, les envois par courrier aérien direct et individuel de plateformes en ligne comme Shein représenteraient aussi un volume massif de marchandises.
L’avion, le transport le plus rapide
Contacté par e-mail, le groupe Inditex a refusé de répondre aux questions d’On en parle, arguant qu’il n’avait pas connaissance des conclusions du rapport de Public Eye. Pourtant, l’émission de la RTS avait dans son courrier pris la peine de résumer les "accusations" et les constats de l’association.
Dans un second mail, On en parle a rappelé au groupe que Public Eye les avait aussi interrogés pour réaliser leur enquête et que par conséquent, ces questions n’étaient pas vraiment une surprise. Inditex a une fois de plus refusé de répondre. À la place, le groupe a communiqué sur sa politique environnementale.
Selon Inditex, "le fret aérien est réservé principalement aux distances intercontinentales, lorsque les autres alternatives telles que le train et le transport routier ne sont pas envisageables et quand le fret maritime n'est pas efficace en termes de temps. En 2022, nous avons réduit notre utilisation du fret aérien de 25%".
Une réponse similaire à celle reçue par Public Eye: "Inditex donne volontiers cette réponse, mais lorsqu'on demande le pourcentage de vêtements transportés par avion ou quel volume cela représente, c’est le silence radio", conclut Géraldine Viret.
Une pétition qui demande aux entreprises de la mode de réduire massivement, voire de renoncer au transport par avion, a été lancée sur le site de Public Eye.
Sujet radio: Johanna Commenge
Adaptation web: Myriam Semaani