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La moule invasive quagga va se multiplier dans les eaux de Suisse

Des moules quagga prises en photo par la Commission internationale de la protection du Léman (CIPEL). [CIPEL - S. Jacquet]
La moule invasive quagga va se multiplier en Suisse / Le Journal horaire / 28 sec. / le 16 novembre 2023
Originaire de la Mer Noire, la moule quagga va se répandre largement dans les lacs suisses et la biomasse va se multiplier spectaculairement d'ici à 22 ans dans le Léman, le lac de Constance et le lac de Bienne. C'est la conclusion d'une étude réalisée en comparant leur situation avec celle des grands lacs d'Amérique du Nord.

Depuis près de dix ans, Dreissena rostriformis, ce mollusque venu de la Mer Noire, se propage dans les cours d'eau de notre pays (lire encadré). Mieux connue sous le nom de moule quagga, l'espèce se propage encore aujourd'hui dans de vastes parties de l'Europe et de l'Amérique du Nord.

Calcul de la biomasse des moules quagga par mètre carré sur une période de 33 ans depuis sa première détection. Les points représentent la situation en 2022. [EAWAG - Kraemer et al., 2023, adaptée]
Calcul de la biomasse des moules quagga par mètre carré sur une période de 33 ans depuis sa première détection. Les points représentent la situation en 2022. [EAWAG - Kraemer et al., 2023, adaptée]

Des chercheuses et chercheurs de l'Institut fédéral suisse des Sciences et Technologies de l'Eau (EAWAG), ainsi que des Universités de Genève et de Constance, notamment, ont établi une projection sur sa multiplication dans les lacs Léman, de Bienne et de Constance que ces cours d'eau alimentent, écrit l'institut jeudi.

Ainsi, la biomasse par mètre carré devrait passer ces vingt-deux prochaines années du facteur 9 à 20 dans ces trois lacs et la présence de la moule quagga devrait s'y multiplier dans les zones profondes. Les scientifiques s'attendent à des dynamiques comparables dans les lacs profonds des Alpes à celles observées dans les grands lacs d'Amérique du Nord où la moule quagga a été introduite près de vingt ans plus tôt qu'en Europe.

Dégâts à l'infrastructure

La moule quagga cause des problèmes dans les systèmes de prélèvement d'eau et pour l'utilisation de la chaleur et du froid, car elle en bouche les tuyaux. Les dégâts atteignent plusieurs millions de francs. En outre, elle modifie la dynamique des nutriments des grands lacs et y monopolise la régulation du cycle du phosphore.

Dans les lacs déjà affectés, il n'est plus possible de stopper la dynamique d'envahissement. Tel est le cas des lacs profonds alpins. On peut en réduire l'impact en concevant l'infrastructure de manière à ce que les moules et leurs larves ne puissent pas y pénétrer.

Pour les lacs encore non affectés, dont ceux de Zurich et des Quatre-Cantons, les résultats de l'étude constituent un signal d'alarme. Des mesures telles que l'obligation de nettoyer les bateaux et des campagnes d'information ciblées pourraient permettre d'y empêcher la propagation de la moule quagga.

>> Dispersion de la moule quagga en Suisse : Les points rouges indiquent la dispersion actuelle de la moule quagga dans les lacs suisses; la date correspond à la première découverte du mollusque. La première observation a été faite en 2014 dans un échantillon d'ADN environnemental du Rhin à Bâle. [EAWAG - REABIC]
Les points rouges indiquent la dispersion actuelle de la moule quagga dans les lacs suisses; la date correspond à la première découverte du mollusque. La première observation a été faite en 2014 dans un échantillon d'ADN environnemental du Rhin à Bâle. [EAWAG - REABIC]

Comparable à l'Amérique du nord

Des moules quagga recouvrent le moteur d'un avion militaire Bell P-39 Airacobra dans le lac Huron. Les archéologues se démènent pour localiser les épaves des Grands Lacs avant que les moules quagga ne les détruisent. Michigan, le 17 août 2021. [Keystone - Wayne Lusardi via AP]
Des moules quagga recouvrent le moteur d'un avion militaire Bell P-39 Airacobra dans le lac Huron. Les archéologues se démènent pour localiser les épaves des Grands Lacs avant que les moules quagga ne les détruisent. Michigan, le 17 août 2021. [Keystone - Wayne Lusardi via AP]

Cette moule invasive n'a été détectée en Suisse qu'en 2014, alors qu'elle se propage dans les lacs d'Amérique du nord depuis les années 1980. Les modèles de propagation observés en Suisse correspondent en grande partie à l'évolution des débuts dans les lacs Huron, Ontario, Michigan et Erie.

"Nous en concluons donc que la propagation de la moule quagga en Europe sera au moins aussi rapide", déclare Benjamin Kraemer, chercheur de l'Université de Constance, cité dans le communiqué. Cette augmentation sera probablement marquée par une évolution vers des individus plus gros – et donc à une biomasse plus élevée par surface – et à un déplacement vers de plus grandes profondeurs.

Cette espèce de moules augmentera la profondeur de visibilité et séquestrera les nutriments et le carbone grâce à la construction de leurs coquilles. Il pourrait aussi y avoir des modifications dans les populations de poissons et la réduction du plancton, car la quagga filtre de grandes quantités de phytoplancton.

L'impact final de cette espèce dépendra de la manière dont elle interagit avec le changement climatique et d'autres changements environnementaux à venir.

sjaq et l'ats

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Une dispersion rapide en Suisse

Selon l'EAWAG, c'est en 2014 que la moule quagga a été pour la première fois détectée en Suisse, dans le Rhin, à Bâle. Elle s'est ensuite très vite propagée dans le pays et est désormais trouvée dans le lac Léman, le lac de Constance, le lac de Neuchâtel, le lac Hongrin et le lac de Morat.

Des moules quagga dans le Lac Léman à une profondeur de douze mètres, le 22 juin 2022. [EAWAG - Silvan Rossbacher]
Des moules quagga dans le Lac Léman à une profondeur de douze mètres, le 22 juin 2022. [EAWAG - Silvan Rossbacher]

>> Lire : La moule quagga s'attaque au Léman après avoir conquis le lac de Constance

Comme la moule quagga possède d'excellentes capacités de propagation, de reproduction et d’occupation de larges niches écologiques, cela la place "parmi les espèces envahissantes ayant le plus de succès en Suisse, Allemagne, Autriche, France et Italie".

L'EAWAG estime que cette comparaison avec les grands lacs américains doit être effectuée environ tous les cinq ans, afin d'enregistrer la dynamique de façon constante. Il s'agira aussi de détecter le plus tôt possible de nouvelles colonisations et de mieux étudier les modèles de propagation.