Mieux vaut des arbres variés que bien alignés pour s’adapter aux bouleversements climatiques
A quelques pas du centre de Zurich, sur une colline qui surplombe la civilisation, une forêt trône majestueusement. "Cette forêt est magnifique grâce à sa complexité. Il y a toute sortes d’arbres et de plantes: des hêtres, des bouleaux, des pins, même un chêne. Il y a aussi du bois et des arbres morts qui sont un refuge pour des milliers d’insectes ou d’arachnides, indispensables eux aussi pour le bon fonctionnement de l’écosystème", explique Thomas Crowther, professeur des écosystèmes mondiaux à l'ETH Zurich, dans le 12h45.
Lui et son équipe viennent de publier dans le journal Nature une étude qui démontre l’importance d’avoir des forêts très riches en biodiversité pour lutter simplement et efficacement contre les bouleversements climatiques.
Six fois ce que l'humanité émet chaque année
"Nos résultats démontrent que si nous améliorons cette biodiversité au niveau mondial, la nature pourra nous aider avec nos objectifs climatiques en absorbant 226 milliards de tonnes de C02 dans l’air. Si nous laissons donc les forêts revivre naturellement", poursuit-il.
Ce chiffre, c'est environ six fois plus que ce l’humanité entière émet actuellement chaque année. Il a été obtenu en étudiant puis en modélisant toutes les grandes forêts de la planète. Un travail qui a mobilisé des centaines de chercheurs sur le terrain et devant l’écran.
"Notre étude a permis de disposer d’une carte mondiale au kilomètre près. Cette carte montre la capacité d’absorption du CO2 de chaque forêt", détaille Lidong Mo, doctorant à l'ETH Zurich.
Le rôle central de la biodiversité
De l’Amazonie aux forêts d’Ethiopie, en passant par celle du Zürichberg, cette étude démontre le rôle central de la biodiversité. Il ne suffit donc pas de planter des arbres.
"Planter des arbres peut parfois être utile mais c’est souvent une simplification dramatique de la nature. Quand on plante beaucoup d’arbres d’une même espèce, ils se battent pour le même espace et ils sont très sensibles à la sécheresse et aux attaques d’insectes et ce n’est pas un écosystème sain", relève Thomas Crowther.
Pas la panacée
Il y a deux ans, la COP26 avait fait apparaître les océans et les forêts dans les négociations. Les forêts qui sont à la fois puits de carbone et poumon de la planète sont l’un des piliers de la protection du climat. En ce sens, 145 États se sont d'ailleurs engagés à mettre fin à la déforestation d’ici à 2030. Mais à la question de savoir s'il suffit de sauver les forêts pour sauver la planète, l'économiste Jean-Pierre Danthine se montre plus réservé.
"Je crois que le problème climatique peut être comparé à une baignoire qui déborde. Le robinet, donc les émissions carbone, est trop gros. Il faut donc fermer ce robinet. Et simultanément il faudra ouvrir le siphon. Et miser sur les forêts, c'est un peu comme augmenter la taille de ce siphon. C'est très important, mais ça ne suffit pas. Il faut à tout prix diminuer nos émissions de CO2", image-t-il.
Sujet TV: Christophe Ungar
Texte web: vkiss