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Vivre à +1,5 degré, ça change quoi pour vous?

Vivre à +1,5 degré, ça change quoi pour vous? [RTS]
Vivre à +1,5 degré, ça change quoi pour vous? - [RTS]
C’est inéluctable, la barre du +1,5 degré de réchauffement va être dépassée. Une étude du Global Carbon Project a par ailleurs annoncé la semaine dernière qu’il y a une chance sur deux que cette limite soit dépassée avant 2030. A quoi ressemble la vie à cette température? Qu’est-ce que ça veut dire pour les êtres humains? Quels impacts sur notre alimentation, nos logements, notre santé?
Vivre à +1,5 degré, ça change quoi pour vous?
Vivre à +1,5 degré, ça change quoi pour vous? / Ça change quoi pour vous ? / 6 min. / le 14 décembre 2023

Selon l’observatoire Copernicus, avec une température moyenne 2023 supérieure de 1,4 degré à celle qui régnait avant l’ère préindustrielle sur les 9 premiers mois de 2023, nous venons de vivre l’année la plus chaude de l’histoire à la surface de la Terre. Les records ont aussi été battus pour les températures des mers et des océans.

Il faudra des efforts énormes pour éviter que ces records ne tombent année après année.

Inger Andersen, directrice du Programme des Nations Unies pour l'Environnement, dans le 19h30 du 29 novembre 2023.

Et cette chaleur s’accompagne de phénomènes météorologiques extrêmes, comme une sécheresse d’ampleur sans précédent en Amazonie et les 10 milliards d’hectares de forêts partis en fumée au Canada. Des forêts qui brûlent en Europe. Autant de puits de carbone détruits. Et aux canicules s'ajoutent les incendies. Les catastrophes naturelles d'origine climatique sont de plus en plus nombreuses: 1452 ont été recensées en 2019. Par comparaison, on en comptait seulement 11 en 1939.

On ne peut plus parler du changement climatique au futur, on est vraiment dedans.

Joshué Gehring, météorologue de Météosuisse, dans le 19h30 du 5 octobre 2023.

En Suisse aussi

La Suisse n’est pas épargnée par ces épisodes extrêmes: dômes de chaleur, isotherme record à 5298 mètres, orages meurtriers qui ont marqué les esprits - comme celui qui a ravagé La Chaux-de-Fonds au début de l’été -, personnes évacuées en raison des feux dans le Haut-Valais et, plus récemment, des crues records dans tout le pays.

>> Lire aussi : L'isotherme du zéro degré mesurée à 5253 mètres, une altitude presque record

Et en deux ans, les glaciers suisses ont perdu 10% de leur surface. C’est plus vite que ce qu’envisageaient les glaciologues. Ils devraient avoir disparu d’ici la fin du siècle.

La voie qu’on est en train de suivre maintenant avec les émissions et l’évolution des températures, ça signifie que vraiment, vers la fin du siècle, on n’aura presque plus rien.

Mauro Fischer, glaciologue de l'Université de Berne, dans le 12h45 du 28 septembre 2023

Via l'effet d'albedo, c'est-à-dire le réfléchissement du rayonnement solaire par une surface - l'albedo est plus élevé quand les surfaces sont blanches -,  les glaciers régulent en partie le climat. Ils sont aussi d’énormes réservoirs d’eau potable. Leur fonte entraîne la perte d’espèces végétales et animales et fait monter encore le niveau des rivières et de la mer augmentant le nombre de zones inondables.

>> Lire aussi : Vu pour vous - La fonte des glaciers suisses imagée et commentée

Des conséquences en cascade

D'ici 2030, ce degré et demi supplémentaire expose quelque 245 millions de personnes au manque d’eau, double le nombre de celles qui seront impactées par les inondations, fait fondre un tiers du pergélisol, tue 79 à 90% des coraux encore en vie, entraîne la mort de nombreuses espèces. De manière indirecte, il y aura moins de récoltes, plus de crises alimentaires, de maladies, de réfugiés climatiques et des énormes conséquences économiques. Pire, si on ne change rien, le GIEC prévoit plus de 3 degrés supplémentaires d’ici la fin du siècle.

Quand on parle de 3,5 degrés, si on regarde l’histoire humaine, l’homo sapiens n’a jamais vécu à des températures si hautes.

Sonia Seneviratne, climatologue et professeur à l'EPFZ

Pourtant, deux accords internationaux contraignent les pays émetteurs à réduire leurs émissions: le Protocole de Kyoto, signé en 1997, et l’Accord de Paris, signé en 2015. Plus ambitieux, le deuxième vise à maintenir la température moyenne en dessous des 2 degrés d’augmentation par rapport à l’ère préindustrielle, et même, si possible, en dessous des 1,5 degré, la limite de sécurité que nous sommes en passe de franchir.

Des émissions qui ne baissent pas

Il est possible de réduire les émissions de CO2. L'année 2020 l'a démontré, même si cette baisse fut contrainte, via la pandémie. Sauf qu'en sortie de pandémie, tout est reparti comme avant, la faute revenant notamment aux Etats industrialisés et à leur économie fondée dans une large mesure sur les énergies fossiles. Si bien qu'en 2022, 36,8 gigatonnes d'équivalent CO2 ont été émises - un record dopé par la reprise du trafic aérien. Et en 2023, les 40 milliards de tonnes d'émissions de CO2 devraient être atteintes.

Il y a un ensemble d’acteurs industriels et d’Etats dont l’économie dépend de l’exportation d’énergies fossiles et qui ont tout intérêt à ralentir ce processus. D’ailleurs, dans le passé, ce sont notamment de grands groupes pétroliers qui ont financé le déni par rapport au changement climatique avec des méthodes très habiles.

Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, co-présidente du groupe n°1 du GIEC, dans Le Point J du 17 novembre 2022

En outre, des blocages imposés par le productivisme et le consumérisme contemporains de sociétés "développées", des blocages plus insidieux jouent de concert: manque de connaissances pour comprendre les implications complexes sur le système climatique des émissions toujours croissantes de gaz à effet de serre, faible perception de l’urgence à agir - notamment selon notre âge et le degré d'exposition aux aléas climatiques -, obstacles dans la mise en œuvre de politiques publiques, surtout dans la prise en compte des inégalités socio-économiques.

Sujet vidéo: Claire Burgy

Adaptation web: Julien Furrer

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