Modifié

Antje Kanngiesser: sans nouvelles infrastructures électriques, "il faut être prêt à payer plus cher"

L'invitée de La Matinale - Antje Kanngiesser, directrice d'Alpiq
L'invitée de La Matinale - Antje Kanngiesser, directrice d'Alpiq / La Matinale / 14 min. / le 19 février 2024
Le secteur de l'électricité est à nouveau au coeur du débat politique en Suisse. Invitée lundi dans La Matinale, Antje Kanngiesser, directrice d'Alpiq, numéro 2 de l’électricité en Suisse, a plaidé pour davantage d'investissements dans les infrastructures. Et porte un regard très critique sur l'initiative "Stop au black-out".

La population suisse votera en juin prochain sur un paquet de mesures pour accélérer le renouvelable. Plus tard, elle devra se prononcer sur l'initiative dite "stop au Black-out", qui a récolté près de 129'000 signatures. Concrètement, le texte demande que toutes les formes de production électrique qui respectent l'environnement et le climat soient autorisées. Une manière de relancer le débat sur le nucléaire dans notre pays.

Antje Kanngiesser voit cette initiative d'un mauvais oeil. "Le texte n'est pas bien. Il ne clarifie pas les conditions ni l’impact pour la société. Il faut respecter les cycles d’investissement pour le nucléaire. On n'a ni les compétences ni les possibilités pour le faire. Et même si on les avait, on n'aura pas de nouvelles centrales nucléaires dans les 20 ans à venir. Or, il faut agir maintenant", a-t-elle déclaré lundi au micro de la RTS.

>> Lire aussi : L'initiative "Stop au blackout" pour le retour du nucléaire déposée

Réduire le risque de pénurie

En outre, pour la directrice d'Alpiq, l’initiative risque à nouveau de polariser la société et de "distraire du vrai débat", celui d’investir dans de nouvelles infrastructures afin de réduire le risque de pénurie et d'éviter une envolée des prix de l'électricité.

La société n'a pas encore complètement réalisé l'urgence et aussi l'impact que plus d'apport en énergie auront sur les prix

Antje Kanngiesser, directrice d'Alpiq

"Aujourd'hui, on a 129 projets, tous réalisables dans un délai de un à cinq ans. Certains peut-être dix ans, notamment dans l'hydraulique. Quelques projets peuvent être réalisés d'ici 2030, qui amènent déjà la moitié de l'électricté dont on a besoin en hiver. Mais on n'arrive pas à réaliser ces projets parce que la société n'a pas encore complètement réalisé l'urgence et aussi l'impact que plus d'apport en énergie auront sur les prix", estime-t-elle.

"Une prise d'otage"

Le 9 juin prochain, la population suisse se prononcera sur une vaste réforme de l'énergie qui a pour but d'augmenter à long terme la production d'électricité. Les grandes installations hydrauliques, solaires et éoliennes pourront ainsi être plus facilement construites. Un texte combattu notamment par la Fondation Franz Weber, qui juge cette loi dangereuse pour la protection de la nature et du paysage en Suisse.

>> Lire aussi : Référendum déposé contre la réforme de l'approvisionnement en électricité

Mais pour Antje Kanngiesser, les organisations environnementales qui soutiennent le référendum contre cette loi "prennent en otage la Suisse". "On n'a pas aboli les procédures pour approuver ces installations. L'intérêt supérieur donné à la production d'électricité est nécessaire", estime-t-elle. Et d'ajouter: "Si on ne veut plus de nouvelles infrastructures, alors il faut être prêt à payer beaucoup plus cher et perdre en sécurité d’approvisionnement".

Trouver des compromis

Par ailleurs, il s'agit également d'une question de solidarité vis à vis des générations précédentes. En effet, la capacité d'accepter de subir un dommage pour le bien commun s'est perdu en Suisse, estime la directrice d'Alpiq. "La plupart des infrastructures qu'on utilise aujourd'hui ont été construites il y a très longtemps. Aujourd'hui, on prend ces biens pour acquis. Mais à l'époque, des gens ont dû renoncer à un certain confort pour avoir une autoroute, des trains, des aéroports ou encore de l'électricité".

Antje Kanngiesser plaide ainsi pour la mise en place de compromis et la recherche de solutions concrètes, qui passent notamment par l'investissement dans de nouvelles infrastructures, notamment dans l'hydraulique.

Propos recueillis par Pietro Bugnon/hkr

Publié Modifié