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Communautés forestières: comprendre le succès du Guatemala dans la gestion des forêts

Forêt tropicale. (image d'illustration) [RTS]
Le Guatemala pense avoir la solution pour exploiter raisonnablement la forêt tropicale / Tout un monde / 4 min. / le 3 juin 2024
Au Guatemala, une solution pour exploiter raisonnablement la forêt tropicale a été trouvée: c'est la foresterie communautaire. Le taux de déforestation est presque nul dans les zones qui emploient cette technique.

Dans la réserve de la biosphère maya, les habitants ont obtenu du gouvernement de ce pays d'Amérique centrale le droit d’utiliser la forêt comme moyen de subsistance, tant qu’ils le font de manière durable. Et comme ils ont de bonnes raisons de la protéger, le taux de déforestation est presque nul dans cette zone de plus de deux millions d'hectares qui est la plus grande aire protégée du pays.

Au Guatemala, il existe treize concessions forestières, fruit d’un accord entre l’État et les populations locales à la fin de la guerre civile qui avait ravagé le pays entre 1960 et 1996. Accordées pour 25 ans, elles ont permis bien mieux qu’ailleurs de conserver la jungle. Les communautés vivent de cette nature, l’exploitent avec un objectif: préserver la forêt au maximum.

La santé des arbres prise en compte

Seules quelques communautés ont le droit d’exploiter la forêt, à condition de la protéger. Dans la concession d'Arbol verde (l’arbre vert), qui gère 65'000 hectares, une quinzaine d'arbres par jour est coupée en saison sèche. Mais jamais plus de deux par hectare. Et les arbres coupés sont toujours choisis en fonction de leur état.

Après la coupe, on referme tous les chemins, tout ce qu’on a détruit et on replante des arbres pour que la nature n’ait pas à tout faire toute seule

 Jorge Raminez, qui travaille pour la concession d'Arbol verde

"Cet arbre est abîmé. Il est rongé de l’intérieur par une fourmilière et certaines de ses branches sont mortes", indique Jorge Ramirez dans l'émission Tout un monde.

C’est la première fois que la concession prélève des arbres sur cette parcelle et les bucherons ne reviendront pas avant 30 ans, le temps de laisser la nature se réinstaller. Preuve que l'objectif de préserver la forêt au maximum est, lui aussi, pris en compte avant de couper des arbres.

"Après la coupe, on referme tous les chemins, tout ce qu’on a détruit et on replante des arbres, pour que la nature n’ait pas à tout faire toute seule. Ainsi elle récupère plus vite", poursuit Jorge Raminez, qui travaille dans la concession.

Nouvelles techniques d'extraction

A deux heures de piste de là, au coeur de la réserve Maya, le village d'Uaxactun gère la plus grande concession forestière. Elle mesure 83'000 hectares. Les 700 habitants sont associés et prennent ensemble toutes les décisions.

Ici, on récolte d’autres produits de la forêt qui complètent les revenus de la coupe du bois, comme la palme de Xate, très appréciée dans les bouquets aux Etats-Unis.

Désormais, on coupe en qualité et non en quantité

Erwin Maas, l'un des responsables du Conseil d'Uaxactun

Là encore, la communauté a amélioré ses techniques d’extraction, explique Erwin Maas, l’un des responsables du Conseil d'Uaxactun.

"Avant d'obtenir la concession, on faisait une récolte massive. Il y avait des entreprises, des sous-traitants de toutes sortes. On pouvait aller n'importe où pour extraire le Xate. Mais depuis la concession, nous avons fait un plan de gestion. Désormais, on coupe en qualité et non en quantité. Il y a des zones dans le plan de gestion où il n'y aura pas d'extraction. Car on a créé des zones de récolte et des zones de conservation."

Si la forêt gérée par les communautés a un taux de déforestation pratiquement nul, les parcs nationaux, juste à côté, voient au contraire prospérer la taille illégale de bois et l’élevage du bétail sans contrôle.

"Faire de la population des alliés pour la conservation"

Le modèle des concessions fonctionne bien mieux qu’ailleurs, considère l’écologue française Marie-Ange Ngo Bieng, qui travaille entre la France et le Guatemala.

"On est dans un moment dans lequel on se rend compte que la conservation ne peut pas faire contre les populations, mais avec (...) L'idée est de faire de ces populations des alliés pour la conservation. Et on voit aujourd'hui qu'avec l'exemple du Guatemala, c'est tout simplement possible."

Depuis presque trente ans, la foresterie communautaire au Guatemala a fait ses preuves. Ce sont désormais les scientifiques qui viennent chercher ici des idées pour mieux conserver les forêts tropicales.

Sujet radio: Anne Vigna

Adaptation web: juma

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