Il y a 50 ans, le lynx boréal était réintroduit dans l'Arc jurassien, en plein Creux-du-Van (NE)
L'histoire de la réintroduction du lynx, c'est l'histoire d'une réintroduction réussie, qui a débuté en 1974 dans le Creux-du-Van. D'autres lâchers d'animaux avaient auparavant eu lieu en 1971 et 1972 dans le canton d'Obwald. Aujourd'hui, 50 ans plus tard, à peu près 70 lynx sillonnent le Jura, et près de 200 lynx peuplent la Suisse. Yves Bongard, responsable de la section neuchâteloise de l'association Avenir Loup Lynx Jura, a participé à la journée de commémoration du jubilé du lynx, samedi, au Creux-du-Van, dans le canton de Neuchâtel. Il revient sur cette histoire dans l'émission Forum de la RTS.
Yves Bongard précise d'entrée de jeu: à l'époque, le lynx faisait peur. Comme le loup aujourd'hui. Mais concernant le lynx, "on a fait la paix avec cet animal", si bien qu'il est même devenu ""une carte de visite", explique le responsable.
On a appris à admirer le lynx. Si on le rencontre aujourd'hui, et bien c'est 'waouh!'
"On n'a pas peur du lynx parce qu'on le connaît. On a appris à l'admirer. Si on rencontre un lynx aujourd'hui, lors de quelques rares moments, et bien c'est 'waouh!'"
Une bascule des sensibilités de la peur à l'admiration qui s'est opérée avec le temps, selon Yves Bongard. "Je pense qu' à un moment donné les gens se sont rendu compte que finalement, cette bête, elle n'est pas dangereuse, elle ne pose pas de problème et c'est même beau. Et c'est même passionnant."
Vers une paix avec le loup?
Concernant notre rapport conflictuel avec le loup, Yves Bongard ne souhaite pas faire de pronostic sur l'avenir, même s'il espère que les Suisses puissent faire la paix avec le loup au même titre qu'ils ont fini par accepter le lynx. Pour ce faire, il faudrait surtout "apprendre à connaître le sauvage, pour faire la paix avec", revendique-t-il.
La coexistence, c'est le mot d'ordre.
Il rappelle en outre que le lynx tue chaque année un certain nombre d'animaux de rente, à peu près 100 bêtes pour la Suisse par année - des prédations rétribuées, les éleveurs étant remboursés. Un équilibre devrait donc être trouvable avec le loup aussi, suggère le responsable.
"Je pense sincèrement qu'avec le loup, il faut apprendre à cohabiter. La coexistence, c'est le mot d'ordre."
L'impulsion d'Archibald Quartier
Une fête s'est déroulée au cœur de la réserve du Creux-du-Van. Une occasion de rendre hommage notamment à un acteur centrale de cette réintroduction: Archibald Quartier, homme politique plein de ressources et grand naturaliste, mais aussi inspecteur de la pêche et de la chasse du canton de Neuchâtel.
>> Lire notre grand format sur Archibald Quartier : Archibald Quartier, une figure neuchâteloise au service de la nature
"A l'époque, son but, c'était de réintroduire la faune qu'il y avait du temps des villages lacustres. Son premier challenge, c'était de réintroduire l'ours".
Sauf que politiquement, réintroduire l'ours, ça ne passait pas. Mais il existait en ce temps-là une véritable volonté politique de réintroduire un prédateur pour que les forêts renaissent de leurs cendres. Des forêts exsangues, dont la repousse était rendue difficile par la présence en abondance des ongulés, qui se repaissaient des jeunes pousses d'arbres.
"A ce moment-là, la Confédération a cherché à réintroduire le lynx. Et c'est poussé par cette volonté de la Confédération que, dans le canton de Neuchâtel, Archibald Quartier a dit: 'nous, on va le faire'," raconte Yves Bongard. Et les Neuchâtelois l'ont fait. C'était il y a 50 ans.
Propos recueillis par Coralie Claude
Julien Furrer