Les cuvées de l'an prochain menacées par le gel du printemps

S'il est encore trop tôt pour chiffrer les dégâts, les vignerons le savent: les conséquences de ce gel tardif seront lourdes. Ils savent bien qu'un tel épisode entraîne moins de fruits au moment de la récolte.

"On a eu des pertes importantes dès la première nuit (...) Je pense que les trois quarts de mes vignes ont été gelés à 100%", témoigne jeudi dans La Matinale Emilienne Hutin-Zoumbac, vigneronne dans le domaine familial des Hutins à Dardagny (GE).

>> Voir le sujet du 19h30 sur le changement brutal des températures qui provoque des dégâts dans plusieurs vignobles de Suisse romande :

Comment continuer à être rentable en vendant moins?

Ce grand domaine de 20 hectares produit jusqu'à 115'000 litres de vin les bonnes années. Mais la vigneronne est consciente que ce ne sera pas le cas cette année. Grâce à sa résilience, la vigne "va repartir" dès le retour du chaud "d'ici deux-trois semaines. Mais ses bourgeons auront évidemment moins de fruits", explique-t-elle. "Maintenant, il s'agit de savoir ce qui va sortir, comment et avec combien de grappes", souligne-t-elle.

Elle estime que cet épisode de gel devrait lui faire perdre jusqu'à la moitié de sa récolte. Ceci alors que les charges, elles, ne vont pas diminuer. Mais comment maintenir l'exploitation à flot avec moins de bouteilles à vendre?

Son domaine avait déjà dû faire face aux conséquences d'un gel exceptionnel en 2017. La perte économique de ce nouvel événement sera donc plus difficile à assumer.

Une assurance contre le risque de gel, mais pas suffisante

L'assurance des vignes contre le risque de gel existe depuis longtemps et il en existe une spéciale pour le gel occasionné au fruit depuis 2018. Cependant, "être assuré" n'est pas la solution miracle, comme l’explique Grégoire Tombez, directeur de Green Triangle, une entreprise spécialisée dans le suivi des risques viticoles. "Ce n'est pas une solution qui couvre l'entier du problème car le viticulteur n'aura pas le raisin. Or, il sera compensé pour la perte financière, mais pas pour la perte de production."

"C'est toute la chaîne de valeur qui est impactée", ajoute-t-il. Sans compter que le prix de l'assurance est aussi élevé.

C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Emilienne Hutin-Zoubac a assuré uniquement certaines parcelles, soit celles qui connaissaient "historiquement" des épisodes de gel. Mais, cette année, plusieurs vignes non assurées ont aussi été touchées.

Une motion en 2025 pour subventionner l'assurance

Une piste pour aider les vignerons à faire face à ces coûts est la motion Bourgeois. Du nom de l'ancien conseiller national fribourgeois Jacques Bourgeois, elle prévoit un subventionnement de la prime d'assurance. C'est une manière d'inciter les viticulteurs à s'assurer.

Cette motion sera introduite dès le 1er janvier 2025. En espérant qu'elle aura un impact sur le nombre d’assurés car, selon Gaylor Monnerat, responsable du secteur Suisse chez Suisse Grêle, leur nombre stagne depuis 2020.

Seul près de dix pour cent du vignoble suisse est actuellement assuré contre le gel. Pour Genève, cela représente à peu près un tiers des surfaces.

Discussions pour aider les vignerons pas assurés

Pour ceux qui ne sont pas assurés, des discussions sont en cours. Les vignerons genevois ont déjà sollicité un rendez-vous avec les autorités cantonales.

Dans le canton de Vaud, des réflexions sont aussi en cours, comme l'explique le président de la Fédération vigneronne cantonale François Montet. "On peut demander" que l'Etat entre en matière pour une aide "et je pense qu'on va le faire", dit-il au micro de la RTS.

Même si, comme il le rappelle, les montants "ne sont pas importants". "Le but est d'aider le producteur à ne pas couler au niveau financier."

Sinon, la solidarité entre les viticulteurs est de mise. Il est par exemple possible d’acheter le surplus de récolte à ceux qui en ont. Mais il y a des quotas et cela pose aussi la question des labels. Par exemple, un vin genevois ne peut pas être composé de fruits vaudois.

>> Pour aller plus loin, écouter aussi l'interview d'une vigneronne inquiète pour sa production face au gel :

Sujet radio: Camille Besse

Adaptation web: juma