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"Les océans sont l'avenir de l'humanité", déclare la première femme à avoir terminé le Vendée Globe

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Catherine Chabaud, première femme à avoir terminé la course du Vendée Globe
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Catherine Chabaud, première femme à avoir terminé la course du Vendée Globe / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 15 min. / aujourd'hui à 07:35
En 1997, Catherine Chabaud inscrivait son nom dans l'histoire en devenant la première femme à terminer le Vendée Globe, dont la dixième édition s'est élancée dimanche. Mais au-delà de cet exploit sportif, c'est un autre combat qui anime cette navigatrice chevronnée: celui pour la préservation des océans.

Son éveil écologique remonte à 1991, lors de sa première traversée de l'Atlantique en solitaire. "Un jour, par mer très plate, j'ai vu des déchets en plein milieu de l'Atlantique. Il y avait déjà des déchets et à l'époque, personne n'en parlait", se rappelle Catherine Chabaud, jeudi dans La Matinale de la RTS.

Cette vision saisissante de déchets flottants au beau milieu de l'océan marque le début d'une prise de conscience profonde: "Je me suis sentie responsable et coupable", confie-t-elle. Aujourd'hui, elle déplore une situation encore plus critique en Méditerranée, où la prolifération des déchets est devenue particulièrement préoccupante.

"Nous n'avons pas fermé le robinet. Actuellement, un traité international sur le plastique est en cours de négociation. Le problème se situe principalement sur terre. Nous devons réduire le nombre de polymères à gérer et collecter les déchets avant qu'ils ne se dispersent en mer."

Le réchauffement des océans

Mais la pollution plastique n'est qu'un aspect du problème. Catherine Chabaud alerte également sur les conséquences du réchauffement climatique, notamment sur les écosystèmes marins. "Regardez tous les récents drames à Valence causés par une goutte froide. Tout cela est amplifié par le réchauffement des océans. Les vagues de chaleur, de plus en plus intenses, favorisent la formation de cyclones."

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Et d'ajouter: "Il y a énormément de récifs coralliens qui meurent les uns après les autres, alors que ce sont des zones cruciales pour la reproduction de la vie marine", explique-t-elle.

Exploitation minière des fonds marins

Autre sujet de préoccupation pour l'ancienne navigatrice: l'exploitation des ressources minérales des grands fonds marins. "Une trentaine de pays poussent pour un moratoire, mais d'autres comme la Norvège ou la Chine s'apprêtent à lancer des projets d'exploitation", avertit-elle.

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"Pourtant, les océans représentent notre avenir. Saviez-vous qu'ils produisent la moitié de l'oxygène que nous respirons? (...) De plus, 90% de nos marchandises transitent par la mer, et 99% de nos communications Internet passent sous l'océan. En somme, ils sont véritablement l'avenir de l'humanité."

Députée européenne de 2019 à 2024, Catherine Chabaud n'a cessé de porter la voix des océans dans les instances internationales. "En 2014, nous avons créé la plateforme Océan et Climat pour faire entendre la voix des océans dans la négociation climatique à la COP21", raconte-t-elle.

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Un succès puisque le terme "océan" a finalement été intégré au préambule de l'Accord de Paris. Elle souligne l'importance des écosystèmes marins, comme les mangroves et les herbiers marins, dans la capture du carbone, appelant à les préserver autant que les forêts terrestres.

A l'époque, j'étais peut-être un peu en avance, car aujourd'hui, toutes les innovations que nous rêvions de mettre en place ont été développées par d'autres, et c'est formidable de voir ces idées se concrétiser

 Catherine Chabaud, première femme à terminer le Vendée Globe

Il y a vingt ans, Catherine Chabaud a quitté la compétition pour se consacrer pleinement à la protection de l'environnement. "J'ai porté de nombreuses casquettes", confie-t-elle.

Son premier défi a été de réduire son propre impact écologique en imaginant un bateau éco-conçu, un voilier de plaisance respectueux de l'environnement. "A l'époque, j'étais peut-être un peu en avance, car aujourd'hui, toutes les innovations que nous rêvions de mettre en place ont été développées par d'autres, et c'est formidable de voir ces idées se concrétiser", explique-t-elle.

Pour Catherine Chabaud, l'action ne se limite pas aux scientifiques ou aux militants: "Les scientifiques sont très actifs, et il est possible d'agir à titre individuel, en tant que citoyen", souligne-t-elle. Pourtant, elle a ressenti le besoin de franchir une nouvelle étape en s'impliquant directement dans le processus politique. "Car le politique, c'est celui qui a la vision d'ensemble et qui, grâce à la législation, peut faire évoluer les choses", explique-t-elle.

Des voiles sur les cargos

Elle a contribué à intégrer des mesures pour décarboner le transport maritime. "On remet des voiles sur les cargos, avec des voiles rigides. Il y a énormément d'innovation dans ce sens-là", se félicite-t-elle. Toutefois, elle regrette le manque de rapidité dans la mise en œuvre des solutions: "On progresse, mais pas au rythme des enjeux. Il y a vraiment urgence", affirme-t-elle.

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En juin prochain, la France accueillera à Nice la troisième Conférence des Nations unies sur les océans. Un rendez-vous crucial pour cette navigatrice engagée, qui continue de se battre pour que l'Europe prenne enfin conscience de son potentiel maritime: "L'Union européenne ne se considère pas comme un continent maritime, alors qu'elle est le premier espace maritime mondial", déplore-t-elle.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Valentin Jordil

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