Les plantes envahissantes, à l'image du "palmier du Tessin", dans le collimateur des autorités
Parmi les plantes qui fleurissent en Suisse à cette époque, on trouve le mimosa, le palmier chanvre et, dans quelques mois, le buddléia, l'"arbre aux papillons". Ces plantes exotiques, dites "néophytes", entrent en concurrence avec les espèces indigènes pour les ressources: eau, lumière du soleil et nutriments du sol.
Certaines de ces plantes peuvent également altérer les cycles biogéochimiques, affectant ainsi la qualité des sols et de l'eau. Par exemple, des espèces peuvent accroître l'érosion des sols ou altérer la chimie de l'eau, mettant en danger la santé des écosystèmes aquatiques.
Après évaluation des dommages, c'est-à-dire si elles menacent la survie de plantes indigènes, mettent en péril la biodiversité locale ou dérèglent de manière problématique des écosystèmes et/ou leurs fonctions, ces plantes peuvent être cataloguées comme "envahissantes" ou "potentiellement envahissantes" par les scientifiques.
Il existe deux types de listes. D'abord, les listes scientifiques - dont notamment la "Liste des néophytes envahissantes et potentiellement envahissantes de Suisse" - à usage informatif. Ensuite, les listes dérivées à valeur juridique ou de recommandations. Nous y reviendrons.
L'exemple du "palmier du Tessin"
Au micro de RSI (Radiotelevisione svizzera di lingua italiana), Mauro Togni, chef de l'Office des déchets et des sites pollués du canton du Tessin, explique : "Ce qui se passe, c'est que ces espèces qui viennent d'ailleurs, de lieux très éloignés mais qui ont un climat similaire au nôtre - sinon elles ne pourraient pas s'enraciner chez nous -, ces espèces ne trouvent pas de contraste. Elles n'ont pas leurs ennemis naturels. Donc elles se propagent de manière incontrôlée. C'est ce qui se passe, par exemple, avec le palmier chanvre qui, pendant des années, était aussi appelé palmier du Tessin". Un palmier en réalité originaire de Chine et du Japon.
Il en résulte des déséquilibres dans l'interaction entre les espèces, ce qui compromet la stabilité des écosystèmes et entraîne la disparition d'espèces indigènes, la perte d'habitats essentiels pour la faune ou encore l'affaiblissement de fonctions jouées par l'environnement.
"Les palmiers chanvre, poursuit Mauro Togni, n'ont pas les caractéristiques que les plantes de nos forêts doivent avoir pour remplir leur fonction de "forêt protectrice". Je m'explique : si une pierre tombe et qu'il y a un hêtre, le hêtre peut freiner la pierre et stabiliser le sol. Le palmier, lui, risque de tomber ou même de donner un effet coup de fouet, de se plier et de renvoyer la pierre en donnant encore plus d'énergie à cette pierre. Il peut donc faire des dégâts. Ces espèces sont peut-être belles, mais elles ne garantissent pas la fonction, dans ce cas, de la forêt protectrice. Nous devons donc commencer à les combattre".
Le palmier chanvre du Tessin, une beauté qui pose problème aux forêts
Les autorités serrent la vis aux végétaux invasifs
En conséquence des dégâts croissants causés par ces plantes, le 1er mars 2024, le Conseil fédéral a approuvé une modification de l'ordonnance sur la dissémination volontaire de plantes invasives dans l'environnement (ODE), interdisant leur dissémination à partir du 1er septembre 2024. C'est dans cette modification que l'on retrouve deux nouvelles listes "à valeur juridique ou de recommandations", les annexes 2.1 et 2.2 de l'ODE.
A partir du 1er septembre, donc, 53 espèces ou groupes d’espèces de plantes exotiques envahissantes ne pourront plus être mises sur le marché, et l’utilisation de 22 d'entre elles sera même interdite dans l’environnement (elles figurent à l'annexe 2.1 ; les 31 espèces restantes sont contenues dans l’annexe 2.2).
Le palmier du Tessin, ou palmier chanvre, fait partie de ces 31 espèces figurant dans l'annexe 2.2 - la liste des "Organismes exotiques envahissants dont la mise en circulation à des fins d’utilisation directe dans l’environnement est interdite" - au côté du paulownia et du bambou. Les plantes déjà présentes dans les jardins ne sont cependant pas concernées par l’interdiction.
Pour ce qui est des 22 plantes de l'annexe 2.1 - la liste des "Organismes exotiques envahissants dont l’utilisation directe dans l’environnement est interdite"-, il sera en revanche juridiquement défendu de non seulement les mettre sur le marché, mais aussi de les planter ou de les reproduire.
Emanuela Musto (RSI)
Adaptation: Julien Furrer (RTS)
Pour aller plus loin:
Site d'InfoFlora, le Centre national de données et d'informations sur la flore de Suisse.
Rapport "Espèces exotiques en Suisse" de l'OFEV.