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Les Samis, un mode vie et une langue menacés par le réchauffement climatique

Éleveur de cerfs et de rennes Sami en Norvège [Depositphotos - TravelFaery]
Les Samis, un mode vie et une langue menacés / Tout un monde / 4 min. / aujourd'hui à 08:14
Dans la région arctique, les Samis, dernier peuple autochtone d'Europe, tiennent à préserver leur mode de vie. Mais le dérèglement climatique le met gravement en danger. Présents en Laponie depuis des millénaires, ils voient aujourd'hui leurs rennes, leurs traditions et même leur langue être menacés.

"L’hiver dernier, un lynx a tué cinq de mes rennes. Ces animaux sont toute ma vie", confie Brita, éleveuse de rennes sami, en montrant du doigt un renne blessé. À cette période de l’année, les températures devraient être bien plus basses dans la région.

"Avec une chaleur pareille, la neige fond. Mais lorsque le froid revient, cela crée une épaisse couche de glace au sol, empêchant les rennes de creuser pour atteindre leur nourriture. Nous devons alors les nourrir nous-mêmes pour assurer leur survie, ce qui coûte beaucoup d'argent", se désole Brita, interrogée lundi dans Tout un monde.

La neige anormalement fine en ce mois de novembre craque sous ses pas. Brita regagne l'intérieur de sa maison pour se réchauffer. Elle plonge un morceau de viande de renne séchée dans son café encore fumant, avant d'en boire une gorgée. Elle explique alors que les terres utilisées pour l'élevage de leurs rennes sont constamment réduites par l'expansion de l'industrie minière, l'installation de parcs éoliens et la déforestation.

Si les rennes disparaissent, ce sont toutes nos traditions qui disparaissent avec eux. Ils sont tout pour nous

Brita 

"À l’époque, nos rennes pouvaient trouver à manger dans les anciennes forêts, mais de nos jours, il y a très peu de ces forêts abritant du lichen, il n’y a plus que de jeunes forêts où rien ne pousse. Si les rennes disparaissent, ce sont toutes nos traditions qui disparaissent avec eux. Ils sont tout pour nous".

Les éleveurs de rennes Anders et Mikael vivent avec les mêmes préoccupations que Brita. Les deux hommes habitent encore plus au nord de la Laponie suédoise, au-delà du cercle polaire arctique. Pour eux, comme pour le reste des Samis, il existe huit saisons et chacune a son importance. Sauf qu’ici, plus qu’ailleurs, elles se mélangent toutes.

Augmentation des températures

"Les hivers ne sont plus ce qu’ils étaient. Un jour il fait + 10 degrés et -30 le lendemain. Tout est devenu plus extrême. Les générations avant moi parlaient et se rappelaient des mauvais hivers. La génération actuelle, elle se rappellera des bons hivers, car ils n’auront pas lieu souvent", confie Anders. 

Il y a deux semaines, plusieurs centaines de rennes se sont noyés à cause d’une glace trop fine. Ça n’était encore jamais arrivé

Anders

Au moment de la transhumance, qui a normalement lieu en novembre ou en décembre, les Samis traversent des lacs, des cours d’eau ou des rivières gelées avec leurs rennes. Mais aujourd’hui, sur ces terres où les températures augmentent quatre fois plus vite que sur le reste de la planète, ils ne peuvent plus faire confiance à la glace.

"Les automnes sont de plus en plus chauds et mouillés et les températures sont très variables, donc on n’a plus cette couche épaisse et stable de glace qui autrefois était la norme. Toutes ces routes qui coupaient à travers les lacs ont toujours été fiables, on n'avait jamais de problème. Aujourd’hui, il faut faire beaucoup plus attention. Il y a deux semaines a eu lieu une tragédie au nord de la Norvège où plusieurs centaines de rennes se sont noyés à cause d’une glace trop fine. Ça n’était encore jamais arrivé".

>> Le sujet d'Histoire vivante consacré aux Samis :

Une installation de l'artiste Máret Ánne Sara faite de 400 crânes de rennes accrochés en face du Parlement à Oslo (Norvège), en décembre 2017. [NTB Scanpix via AP - Heiko Junge]NTB Scanpix via AP - Heiko Junge
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Des savoir-faire menacés

Tous ces changements et dérèglements ont également un impact sur leur langage. En effet, la langue sami est intrinsèquement liée aux activités traditionnelles telles que la pêche et l'élevage de rennes, ainsi qu’à l'observation et la description de la nature et des conditions météorologiques. 

En sami, il existe par exemple des mots pour décrire un renne effrayé ou un saumon du début de printemps. Des termes qui ne s’utilisent presque plus car avec la fonte des glaces et la montée des océans, les populations de saumons diminuent drastiquement.

On utilise des mots très spécifiques en Sami qui nous servent à décrire nos pratiques. Beaucoup de mots finiront sûrement par disparaître

Mikael, éleveur de rennes

Certains savoir-faire ancestraux sont également menacés de disparition, à l’image de la méthode traditionnelle de fabrication de viande séchée. Durant l’automne et l’hiver, période d’abattage des rennes, la viande est conservée dans une boîte en bois remplie de neige compacte, puis entreposée dans les montagnes pour toute la saison froide. Au printemps, elle est récupérée, salée et fumée. Cependant, les températures anormalement douces perturbent ce processus: la viande décongèle trop tôt et se dégrade, mettant en péril cette pratique séculaire.

Vers une fin de l'hiver "véritable"?

Un savoir-faire qui est étroitement lié à la langue des Samis, explique Mikael. "L’élevage de rennes se transmet de génération en génération. On utilise des mots très spécifiques en sami qui nous servent à décrire nos pratiques. Beaucoup de mots finiront sûrement par disparaître et on aura beaucoup moins de nuances."

Interrogé sur le programme de l’hiver, ils répondent unanimement qu’il se pourrait bien qu’il n’y ait pas d’hiver du tout. Sans hiver, il n’y aurait ni transhumance, ni production de viande séchée, ce qui signifierait moins de nourriture et moins d’occasions de converser en langue Sami. Malgré cela, ce peuple d’une remarquable résilience conserve l’espoir de voir un véritable hiver revenir.

Ottilia Férey/hkr

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