Les scientifiques peinent à comprendre "le saut climatique brutal de l'année 2023"
Depuis 2023, la planète observe un réchauffement climatique exceptionnel. "Nous sommes absolument impressionnés par ce qui se passe depuis quelques années", explique Katia Laval. "Nous, les scientifiques, n'avions pas prévu cette variation très forte qui s'est passée entre les années 2021 - 2022 et l'année 2023". "Pourquoi y a-t-il tant de records qui ont été dépassés partout dans le monde et pourquoi il y a tant d'événements extrêmes très dommageables".
Pour comprendre la modification brutale du climat, les scientifiques cherchent à formuler des hypothèses. Après l'évaluation de plusieurs événements, de nombreuses pistes ont été écartées. Néanmoins, il reste encore quelques hypothèses à explorer.
"Nous pouvons dire que nous arrivons en terrain inconnu, dans une situation où les modèles climatiques n'ont pas su déterminer ce saut brutal. Il se peut qu'une nouvelle physique doive être étudiée", déclare-t-elle.
Je crois que les scientifiques sont appelés à répondre à cette question de manière urgente.
Les scientifiques travaillent actuellement sur un phénomène complexe de circulation atmosphérique et des explications commencent à émerger à travers des articles scientifiques qui ont été publiés récemment, indique la professeure émérite de physique de l'atmosphère et du climat. Ces différents travaux pourraient nous aider à comprendre l'évolution actuelle.
Selon Katia Laval, le transport d’énergie entre l’équateur et le pôle pourrait également jouer un rôle fondamental dans l’équilibre climatique. "Peut-être que l'on doit aussi travailler là-dessus", souligne la spécialiste.
Les écosystèmes forestiers, acteurs clés de notre climat
Les forêts jouent un rôle essentiel dans l'équilibre climatique. Premièrement, elles absorbent le gaz carbonique de l'atmosphère, ce qui réduit l'impact de nos émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, elles ont également une capacité d’évaporation, aussi appelée "transpiration de l'eau". Ce phénomène contribue de manière significative au refroidissement de l'atmosphère.
"Depuis une cinquantaine d'années, les forêts ont ainsi permis un refroidissement d'un degré de la planète. Le réchauffement aurait été plus fort si nous n'avions pas nos forêts", estime la professeure.
On doit reforester de manière raisonnable. On ne peut pas imposer une forêt, là où la population a besoin de terres cultivables pour se nourrir.
Mais elle souligne également la complexité du climat et le rôle nuancé que joue la reforestation. Car si les forêts tropicales contribuent au refroidissement de l'atmosphère en stockant et en évaporant une grande quantité d'eau, dans les régions désertiques leur impact est moins prononcé, voire même au contraire, les forêts assèchent les sols et pompent l'eau.
Ainsi, la reforestation n'est pas une solution universelle, elle doit être considérée avec prudence, signale-t-elle.
Les scientifiques sont pris au sérieux
Durant des décennies, Katia Laval a sensibilisé et alerté sur le changement climatique. Aujourd'hui, elle ressent que ses messages sont enfin entendus par la population, car le changement climatique est désormais ressenti et qu'il est une réalité.
Elle souligne que celui-ci est l'un des phénomènes les plus importants et les plus dangereux qui se déroule à l'heure actuelle.
Je pense que les freins sont dus à la difficulté de changer toute une civilisation.
Si nous continuons sur cette voie, nous verrons des situations de plus en plus inattendues et complexes. Elle estime qu'il existe des obstacles à l'action, non seulement à cause des lobbies, mais aussi à cause de la difficulté de changer toute notre civilisation et notre mode de vie.
"Les gouvernements doivent comprendre qu'il y a une certaine urgence et qu'il faut vraiment avancer", déclare-t-elle. Néanmoins, elle estime que la prise de conscience progresse.
Propos recueillis par: Pietro Bugnon
Adaptation web: Miroslav Mares