Un brouillard artificiel pour tester l'impact du changement climatique sur les forêts
Le Bois de Finges est situé entre Sierre et Loèche, dans l'une des vallées alpines intérieures les plus sèches des Alpes européennes: il s'agit de la plus grande pinède d'un seul tenant de Suisse.
Six tours y ont été érigées pour étudier et dissocier les effets de la sécheresse de l'air et du sol sur la forêt. Certains des échafaudages sont équipés de toits pour intercepter une partie de l'eau de pluie, créant ainsi des conditions plus sèches, tandis que d'autres sont aspergées quotidiennement pour maintenir un sol plus humide.
Ce projet, en place depuis vingt-et-un ans, a récemment été amélioré avec l'ajout des brumisateurs géants permettant d'humidifier l'air autour des arbres sans mouiller les feuilles ni le sol. Des capteurs enregistrent ce qui se passe dans cette pinède centenaire.
Un brouillard artificiel
Le projet VPDrought a été imaginé par le WSL, l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, l'EPFL et le SwissForestLab: l'expérience a débuté cet été et sera menée pendant quatre ans "avec une résolution spatiale et temporelle fine, à l'échelle de la cellule, de l'arbre et de l'écosystème", précise le WSL.
Le brouillard qui enveloppe les pins sylvestres adultes a pour but d'augmenter l'humidité de l'air; l'eau doit être brumisée extrêmement finement afin qu'aucune goutte ne se forme sur les feuilles et que seul l'air environnant soit modifié. Ce que les scientifiques veulent mesurer, c'est le VPD: le déficit de pression de vapeur (vapor pressure deficit en anglais), soit le manque d'eau dans l'atmosphère. Cette donnée va avoir un impact sur une forêt mature – ici une pinède constituée de pins sylvestres d'une douzaine de mètres et âgés de 130 ans.
L'idée est de priver d'eau ou non le sommet des arbres, d'abreuver ou pas la canopée. L'objectif de l'équipe de recherche est de réduire le DVP de 20 à 30%, ce qui correspond aux augmentations observées lors des très fortes chaleurs estivales. Les scientifique espèrent comprendre si les arbres peuvent atténuer les effets des sécheresses et des canicules.
Une essence d'avenir?
"Ce qu'on a pu constater au cours des dernières décennies, c'est qu'on a de plus en plus de mortalité des arbres et on sait qu'elle est liée à un manque d'eau dans le sol", remarque Charlotte Grossiord, professeure à l'EPFL et au WSL. "Mais ce qui est particulier au cours des cinq à dix dernières années, c'est l'assèchement de l'air. Par conséquent, ces phénomènes de mortalité se produisent de façon plus intense et beaucoup plus rapide: c'est ce que l'on essaie de comprendre".
A terme, l'équipe de recherche espère découvrir si le pin sylvestre est ou non un type d'arbre d'avenir pouvant tolérer les conditions climatiques que la Terre connaîtra prochainement: "Si ce n'est pas le cas, on va pouvoir s'axer sur d'autres essences qui seraient plus favorables pour cette région", souligne la scientifique au 12h45.
Ces recherches sont précieuses: 90% des forêts valaisannes ont des fonctions protectrices.
Stéphanie Jaquet