Un "Nutri-score" pour le transport maritime avec l’objectif de décarboner le secteur
La neutralité carbone pour 2050: c'est la feuille de route fixée l'été dernier par l'OMI, l'Organisation maritime internationale. Cette agence de l'ONU a déjà adopté, en 2018, sa première stratégie de décarbonation, avec des mesures qui visent des gains d'efficacité énergétique.
Elle vient de passer à la vitesse supérieure en introduisant ce système de classification. Ces notes seront attribuées dans le courant de l'année 2024 aux navires en circulation et à ceux en construction.
Comment ce dispositif va-t-il fonctionner? "Le mécanisme va contraindre les bateaux qui seront classés D et E à soumettre des plans d'action. Chaque année, les notes vont pouvoir évoluer. Un bateau qui sera classé E pendant une année sera donc dans l'obligation de soumettre un plan d'action pour changer de catégorie et viser des catégories supérieures, A, B ou C", a expliqué Yann Briand, chercheur à l'Institut français du développement durable et des relations internationales, jeudi dans La Matinale de la RTS.
Un système assez contraignant?
Les bateaux qui auront obtenu une note D pourront la conserver pendant trois années de suite au maximum. Ensuite, ils auront l’obligation de soumettre un plan d'action. Quant aux bateaux les moins polluants, ils bénéficieront, par exemple, de taxes portuaires moins élevées.
Mais pour les organisations environnementalistes, ce système n'est pas suffisamment efficace, notamment parce qu'il n'est pas contraignant. En effet, dans une logique de la carotte et du bâton, il manque le bâton, c'est-à-dire les sanctions. Elles viendront de l'Union européenne, selon Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime à Saint-Nazaire.
Quota carbone
"L'Europe commence à engager la taxe environnementale, notamment par l'entrée des quotas carbone pour le secteur maritime. Actuellement, elle met en place, notamment sur les liaisons entre l'Europe et le reste du monde, ce qu'on appelle le MRV. C'est-à-dire que les bateaux sont censés fournir un calcul de leurs émissions. Sur la base des émissions, il va y avoir un quota carbone et une taxation", a-t-il expliqué au micro de la RTS.
L'Europe commence à engager la taxe environnementale notamment par l'entrée des quotas carbone pour le maritime
Selon le chercheur Yann Briand, l'objectif de la neutralité carbone en 2050 est réaliste, mais uniquement sous certaines conditions. "Il y a de nombreuses études scientifiques qui montrent en effet qu'on peut y arriver. Par contre, il faut utiliser tous les outils et toutes les transformations à notre disposition. Des outils ont été développés pour réduire la consommation énergétique, obtenir des gains d'efficacité énergétique dans les bateaux".
"Décarboner notre propre consommation"
Mais pour le chercheur, on a oublié un sujet central dans la question de la décarbonation du transport maritime: le commerce et la demande de transport. "Aujourd'hui, les leviers associés à la demande de transport maritime n'ont pas été discutés. Il faut savoir que la demande a triplé depuis les années 90. On transportait en 1990 quatre milliards de tonnes de marchandises par bateau. Aujourd'hui, on en transporte 11 milliards".
Une analyse que Paul Tourret partage dans l'ensemble. "Un très gros porte-containers pèse à peu près 60'000 tonnes. Et il a entre 250'000 et 300'000 tonnes à bord. Il faut donc trouver des carburants alternatifs issus des énergies vertes. L'idée n'est pas forcément de décarboner le transport maritime, mais peut-être de décarboner notre propre consommation".
Ce qui est certain, c'est que la décarbonation va augmenter les coûts du transport maritime. L'ONU estime les investissements dans les infrastructures portuaires et dans la construction de navires à des centaines de milliards de francs d’ici à 2050. Une évolution qui pourrait contribuer à un commerce mondial plus régional, et moins planétaire.
Jean-Philippe Rutz/hkr