On s'attend à ce que l'Europe batte cet été le record établi à Athènes en 1977, avec presque 48 degrés. La région de Santarem, au Portugal, en est toute proche. L'Espagne, elle, compte ses premiers décès dus à la chaleur. Même le nord de l'Europe a dû faire face à des incendies de forêt auxquels il n'était pas habitué. Ailleurs aussi, à Montréal ou à Séoul notamment, les thermomètres s'emballent.
Un événement météorologique ne prouve pas à lui seul le réchauffement, mais c'est leur répétition et leur cumul qui le confirment. Et la situation actuelle illustre les avertissements des scientifiques.
Il est tout à fait logique que chaque année des records soient battus.
"Cette canicule s'inscrit clairement dans un contexte de réchauffement climatique global", assure Jean Jouzel, ancien vice-président du Groupe d'experts internationaux sur le climat (GIEC). "Les quatre dernières années ont été les plus chaudes que nous ayons connues depuis 150 ans. Et dans un tel contexte, il est tout à fait logique que chaque année des records soient battus en termes de températures et de canicule. On voit bien que ce que nous vivons aujourd'hui, c'est ce à quoi nous nous attendions." Or les conséquences du réchauffement climatique de manière générale sont assez négatives, rappelle le climatologue et glaciologue. "C'est très clair, et cette tendance va encore s'accélérer."
Nous ne sommes pas préparés à des températures record de 50-55 degrés.
C'est dans ce contexte d'urgence qu'un collectif baptisé Pacte Finance-Climat (lire encadré) s'est constitué pour lancer un appel solennel. "Si la lutte contre le réchauffement climatique devait ne pas être efficace, et c'est un risque très clair, nous irions vers un réchauffement de 3-4 degrés dans la seconde partie du siècle (…) et nous pourrions avoir des températures record de plus en plus élevées", avertit Jean Jouzel, qui est l'un des deux scientifiques à l'origine de l'appel.
"On pourrait dépasser 50 degrés, voire 55 degrés, sur l'est et le sud de la France - je connais les données - mais c'est probablement les mêmes chiffres pour une partie de la Suisse. Les températures record, dans ce cas-là, pourraient aussi dépasser les 50 degrés en Suisse et c'est quelque chose auquel nous ne sommes pas préparés."
Le spécialiste est donc convaincu de la nécessité et de l'urgence d'agir. "C'est bien le sens de l'appel que nous avons lancé, avec cette idée que c'est au niveau du continent européen qu'il faut prendre un leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique", dit-il.
Lutter contre le réchauffement climatique est synonyme de dynamisme économique.
Pour y parvenir, Jean Jouzel souligne qu'il faut décorréler activité économique et émissions de gaz à effet de serre. "Il faut aller vers une société bas carbone, c'est-à-dire construire un développement plus raisonné, ne pas le construire autour du combustible fossile. Il faut en prendre conscience, les Etats-Unis doivent jouer un rôle, la Chine doit jouer un rôle, et l'Europe peut jouer un rôle important parce qu'aller vers cette société bas carbone est aussi synonyme de création d'emplois. Au niveau européen, on parle de 6 millions d'emplois créés d'ici 2050, qui accompagneraient cette transition énergétique. (…) Lutter contre le réchauffement climatique est synonyme de dynamisme économique, et ce sont les pays, les continents, qui s'y attelleront les premiers qui réussiront, y compris du point de vue économique. Et la Suisse est un des pays très en pointe sur les recherches qui touchent à ce domaine."
"Nous n'avons plus le temps de regarder ce qu'il faut faire, il faut le faire", insiste Jean Jouzel. "Le climat que nos enfants auront à vivre se dessine aujourd'hui."
Propos recueillis par Patrick Chaboudez
oang
Le collectif Pacte Finance-Climat
Ce collectif se présente sur son site comme réunissant "des femmes et hommes politiques, des chefs d’entreprise, des intellectuels et universitaires engagés, des responsables associatifs, des salariés, des chômeurs, des agriculteurs, des citoyennes et citoyens convaincus que l’Union européenne doit, dès aujourd’hui, apporter une réponse claire et ambitieuse au dérèglement climatique."
Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC et colauréat du prix Nobel de la paix en 2007, en est le président d'honneur et cofondateur avec l'économiste Pierre Larrouturou, qui en est le délégué-général.
"Aujourd’hui, l’esprit se révolte contre le sort qui est promis à l’Homme", écrit le collectif sur son site. "Nous n’acceptons pas que l’humanité se dirige, sans réagir, vers le chaos climatique.