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Aux Etats-Unis, ouragans et climatoscepticisme font bon ménage

Un habitant transporte sa famille et leurs animaux de compagnie dans la ville de Burgaw, en Caroline du Nord, après le passage de l'ouragan Florence. [Reuters - Jonathan Drake]
Victimes de l'ouragan Florence aux Etats-Unis, de nombreux habitants nient le réchauffement climatique / Tout un monde / 6 min. / le 21 septembre 2018
Alors que l'Etat américain de Caroline du Nord se remet du passage de l'ouragan Florence, de nombreux habitants, bien qu'impactés par les destructions, affichent leur scepticisme face aux prédictions des climatologues.

La Caroline du Nord panse ses plaies après l'ouragan Florence qui, selon un bilan provisoire, a fait 37 morts et des dégâts considérables, mais n'a pas été non plus le cataclysme aux proportions bibliques annoncé par les météorologues et les médias.

>> Lire : L'ouragan Florence a fait au moins 31 morts sur la côte est des Etats-Unis

Les climatologues l'affirment: avec le réchauffement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes vont augmenter, sinon en fréquence, du moins en puissance.

Or, sur place, en Caroline du Nord, l'envoyé spécial de RTSinfo Raphaël Grand a constaté le scepticisme de nombreux habitants. "Il y a un double scepticisme. De la défiance face à la théorie scientifique du réchauffement climatique d'une part. Et de la défiance par rapport à ceux qui mettent en garde des dangers: médias, autorités, establishment", note-t-il.

"Nous avons toujours eu des ouragans"

La conjonction de ces deux facteurs donne des témoignages étonnants d’habitants à qui on annonce un ouragan et qui préfèrent rester chez eux alors qu'ils habitent en bord de mer, dans des zones où les évacuations sont obligatoires.

"Je ne crois pas du tout au réchauffement climatique. Nous avons toujours eu des ouragans. Cette théorie, ce n’est pas pour moi", affirme ainsi Andy, un résident de Caroline du Nord.

"Des gens disent que c’est lié au réchauffement climatique. D’autres disent que non… C’est juste la météo", renchérit une autre habitante, Amy. "Ca a toujours été comme ça. Vous devez juste faire avec", se résigne quant à elle Carry.

Le président, premier des climatosceptiques

Si la réalité du réchauffement climatique est fortement remise en cause, elle est carrément ignorée par certains habitants. L'attitude du gouvernement américain n’y est sans doute pas étrangère. Donald Trump a décidé de sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat et son administration est en train de défaire petit à petit toutes les lois qui visaient à contenir le réchauffement climatique.

Le président s'affichant comme un climatosceptique, de nombreux Américains, notamment dans des Etats à majorité républicaine, tendent à se ranger de son côté. En Floride comme en Caroline du Nord, les autorités locales poursuivent le développement immobilier le long des côtes, malgré les avertissements des scientifiques, notamment sur une possible montée des eaux dans ces régions.

Avertissement des scientifiques

Ces météorologues le martèlent: les ouragans devraient se renforcer ces prochains temps, et atteindre des zones en général épargnées. Il est rare par exemple qu’un ouragan frappe la Caroline du Nord. Habituellement, c’est plus au sud. Là encore, pour les scientifiques américains, le réchauffement climatique serait une explication.

Le fait que l’ouragan Florence n’ait pas été le cataclysme annoncé conforte toutefois les sceptiques. L’ouragan Florence n’a soufflé "qu’à" 170  km/h, rétrogradé finalement en ouragan de catégorie 1 sur 5, alors qu'il était annoncé au départ de catégorie 4. Dans ce cas-là, les modèles mathématiques ont été défaillants.

Les médias critiqués

La couverture médiatique, elle aussi, est régulièrement prise à parti, avec une tendance des journalistes de télévision américains à se mettre dans des situations extrêmes pour dramatiser l’événement. Lors du passage de l'ouragan Florence, une vidéo de la chaîne de météo The Weather Channel a totalement décrédibilisé le travail des journalistes sur place.

On y voit le présentateur météo dans la ville côtière de Wilmington, en Caroline du Nord, courbé en deux pour faire face aux rafales de vent. Alors qu'au deuxième plan, deux personnes traversent tranquillement la route, apparemment sans se soucier le moins du monde des bourrasques. La vidéo de la scène surjouée a été vue plus de 28 millions de fois, confortant au passage les sceptiques.

Rencontré quelques heures avant l'arrivée de l'ouragan dans la petite ville de New Bern, John, un habitant, badine: "J’ai acheté des réserves de bourbon. Trois bouteilles de bourbon. L’ouragan ne va jamais frapper. C’est une invention des médias. Ils en parlent depuis des semaines car ils n’ont rien d’autre à dire. Et puis au final, il n’y aura rien. C’est des fake news. De fausses informations."

Le concept de "fake news", largement relayé par le président américain lui-même, semble faire son chemin dans les esprits, affectant la crédibilité des médias et les avertissements des autorités relayés par ces mêmes médias.

Le lendemain de l'interview de John, New Bern était sous les eaux. Les secours ont dû évacuer des centaines de personnes piégées par les inondations. Parmi elles, il y avait certainement John et son bourbon…

"Un acte de Dieu"

Après l'arrivée de la catastrophe, les avis et les certitudes s'en trouvent-ils pour autant changés? Deux jours après le passage de l'ouragan Florence, Jacksonville, en Caroline du Nord, est coupée du monde. Tous les axes routiers sont sous les flots, il n'y a plus d'électricité et l'armée évacue la population. Là aussi, les inondations ont piégé des centaines d'habitants.

"Oui, on est en train d'être évacués. J'ai déjà vu de l'eau ici, mais ça n'avait jamais été si haut", témoigne Nick depuis le siège de son 4x4. "Ma maison est juste là-bas. Cela fait une  heure que je regarde, et l’eau continue de monter, monter." Interrogé sur la thématique du réchauffement climatique, Nick balaie l'argument: "C'est un acte de Dieu. C'est un ouragan. On attend de voir ce qui se passera. Mais on s'en sortira."

Pour de nombreux habitants, un ouragan reste avant tout un acte divin. Certains parlent aussi de "Mère Nature", mais peu y voient une explication scientifique liée de près ou de loin au réchauffement climatique.

Un reportage de Raphaël Grand/kkub

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Réviser l'échelle de Saffir-Simpson

Après les erreurs d'évaluation de l'ouragan Florence, des météorologues demandent la révision de l'échelle de Saffir-Simpson - les fameuses catégories 1 à 5.

Cette gradation, qui doit permettre de classer les ouragans selon leur puissance, est calculée uniquement en fonction de la puissance des vents. Or, un phénomène comme Florence a surtout posé des problèmes d'inondations.