Le projet de recherche est mené par David Desseauve, obstétricien au Département femme-mère-enfant du CHUV, avec Julien Favre, biomécanicien auprès du Swiss Biomotion Lab du CHUV, et Jean-Philippe Thiran, ingénieur en traitement des images au Laboratoire de traitement des signaux de lʹEPFL.
Le but de leur recherche est de trouver et mesurer la position optimale de la mère pour favoriser l'avancement du bébé quand l'accouchement ne progresse pas ou se prolonge trop. Car la mécanique obstétricale n'a pas été révisée depuis très longtemps.
La césarienne a mis en veille la recherche fondamentale. En mécanique obstétricale, on enseigne des théories vieilles de 100 ans.
"Ces dernières années, la césarienne est venue répondre à tous les problèmes, sans chercher à en comprendre le fond", explique l'obstétricien David Desseauve. "On a standardisé, rassuré, et la césarienne, très protocolée, pose peu de problèmes. Mais cela a aussi mis en veille toute la recherche fondamentale que faisaient les Anciens. En termes de mécanique obstétricale, on enseigne aujourd'hui des théories vieilles de 100 ans."
Les accouchements "difficiles" abordés dans le projet sont les difficultés survenues à la fin du travail (lire encadré), lorsque, à dilatation complète, le bébé a du mal à "franchir le cap" et rentrer dans le bassin. "Cette difficulté représente environ 20% des césariennes pratiquées en urgence dans une maternité, faites dans un contexte de 'disproportion foeto-pelvienne'", explique David Desseauve. C'est-à-dire que le médecin ou la sage-femme ont estimé que le bébé n'était pas adapté au bassin de la femme, ou l'inverse.
Aider le bébé à trouver son chemin
Or, un examen plus approfondi révèle que la majorité des femmes en Europe ont des bassins normaux, et qu'une majorité de bébés ne sont pas trop gros. "Il y a quelque chose qui ne marche pas. Pourquoi cela coince-t-il?", s'est interrogé l'obstétricien.
L'hypothèse est que le bébé ne trouve pas son chemin, et qu'il faut le lui montrer. Formé par un obstétricien qui maîtrisait l'art d'"engager" le bébé dans le passage du col, David Desseauve a voulu reproduire et quantifier l'enseignement transmis. D'où le rapprochement avec des spécialistes des mesures et des techniques d'imagerie.
Analyse des postures mère-enfant
"Dans la biomécanique de l'accouchement, on mesure la posture de la maman - soit l'alignement des lombaires, du bassin et des cuisses", explique le biomécanicien Julien Favre. Ceci dans le but de détecter les structures potentiellement bloquantes pour la sortie du bébé. Une autre partie des mesures concerne la synchronisation interne des contractions de l'utérus, expose-t-il.
Dans un premier temps, la validation du dispositif nécessitera la participation d'une dizaine de femmes. Une deuxième étape consistera à tester les hypothèses dans des situations où le travail est bloqué, avec environ 25 parturientes impliquées.
Catalogues des positions et mobilier adapté
Parallèlement aux mesures, un système d'imagerie sera développé pour monitorer les postures du bébé et de la maman, "afin de vérifier que les hypothèses de la recherche sur l'alignement du bébé par rapport au bassin sont vraiment valides", explique Jean-Philippe Thiran, ingénieur en traitement des images. Ce dispositif de suivi optique sera assuré par des électrodes et des caméras miniaturisées pour les postures et les contractions de la femme, et par une sonde d'échographie pour la position du bébé.
Au terme de l'étude, le but est de proposer un catalogue des positions optimales au niveau biomécanique - la meilleure position accroupie, la meilleure à quatre pattes, etc. Et si la femme est en difficulté, de pouvoir également offrir un système de déblocage, souhaite David Desseauve. Le mobilier hospitalier pourrait aussi être adapté à moyen terme en fonction des résultats.
Dossier CQFD: Anne Baecher
Adaptation web: Katharina Kubicek
Un accouchement standard, étape par étape
Dans un accouchement standard, la tête du bébé se trouve en bas, dans le bassin de la mère. L'accouchement lui-même commence par la période de travail, c'est-à-dire que les parois de l'utérus se contractent de manière non volontaire sur le bébé. Au début, les contractions sont assez courtes, et surviennent toutes les dix minutes, puis leur fréquence et leur durée augmentent progressivement. Ce qui a pour effet de pousser le bébé du fond vers l'avant de l'utérus, en direction du col.
La tête du bébé va appuyer sur le col de l'utérus et avancer petit à petit dans le col en provoquant l'effacement du col, jusqu'à dilatation, c'est-à-dire une ouverture d'environ 10 cm.
C'est à ce moment-là que se passe généralement la rupture de la poche des eaux, ce qui permet au liquide amniotique de s'écouler. Cette cascade d'événements peut prendre 7 ou 8 heures dans un premier accouchement.
L'étape suivante sera plus courte: environ 30 minutes pour l'expulsion du bébé. Les contractions vont se produire toutes les deux minutes et sont beaucoup plus intenses. Avec l'aide de la maman, qui va contracter les muscles abdominaux, la tête du bébé va avancer dans le vagin tout en effectuant un rotation. Lorsqu'elle sort, la tête du bébé va se redresser vers le haut. La sage-femme ou le médecin va la saisir et la tourner légèrement pour faciliter le passage d'une épaule, puis de l'autre, et enfin du reste du corps. Et ça y est, le bébé est né.