Le 14 avril 1969, l'équipe du Suédois Åke Senning réalisait la première greffe du cœur en Suisse. Cette opération intervenait deux ans après la première transplantation cardiaque au niveau mondial, effectuée en Afrique du Sud par le docteur Christian Barnard.
Pour René Prêtre, si l'on accorde autant d'importance aux transplantations cardiaques, c'est que le cœur comporte une dimension symbolique que n'ont pas les autres organes.
"Il représente la vie, l'amour, les sentiments... Au XIXe siècle, on disait même qu'il ne devait pas être touché par les médecins, au risque de faire une profanation. Lorsque vous transplantez un cœur, vous transplantez plus qu'un organe, vous greffez la vie", rapporte le chef du service de chirurgie cardiaque au Centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne.
Faire accepter un corps étranger par l'organisme
Le chirurgien rappelle que les premières interventions n'ont pas bien fonctionné, avec des greffes ne tenant que quelques jours. "Le 90% des gens mourraient à l'hôpital."
Au-delà de l'aspect technique, la principale difficulté d'une telle opération est de faire en sorte que le corps étranger soit accepté par l'organisme: "Il faut moduler l'immunosuppression, c'est-à-dire le système de défense de l'organisme contre les bactéries. Pour que ce nouvel organe soit accepté, le système immunitaire ne doit pas être trop fort. Il faut donc chercher la marge de manœuvre permettant au corps de continuer à se défendre contre les agresseurs, sans attaquer l'organe qui a été transplanté."
La découverte dans les années 1980 de la ciclosporine – un médicament prévenant des rejets de greffes – a représenté un grand tournant pour les transplantations. "On a remarqué qu'elle permettait de moduler l'immunosuppression. On l'a donc d'abord utilisée sur les reins, puis le foie... Cela a conduit, dès 1985, à une nouvelle lancée dans toutes les transplantations."
La greffe du cœur est redevenue compliquée
Le spécialiste note que, malgré les progrès de la médecine, les transplantations cardiaques restent compliquées aujourd'hui: "En raison des attentes parfois très longues pour les interventions, un tiers, voire une moitié de nos patients, sont obligés d'être soutenus par des cœurs artificiels. Ce sont des machines qui font simplement circuler le sang, en attendant un bon matching. Donc lorsque vous opérez, elles sont anticoagulées et il y a beaucoup d'adhérence. Avec ces coeurs artificiels, la transplantation cardiaque est redevenue compliquée à réaliser techniquement."
Questionné sur le nombre d'années durant lesquelles un patient peut vivre avec un nouveau cœur, René Prêtre répond: "Vingt ans est un bon chiffre. Mais cela dépend de beaucoup de facteurs. J'ai vu récemment, dans un rapport, qu'un patient avait été transplanté il y a 33 ans."
Propos recueillis par Mehmet Gultas
Traitement web: Mathieu Henderson
René Prêtre pour une initiative en faveur d'une augmentation de donneurs
Il y a trois semaines, l'initiative populaire intitulée "Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes" a été déposée. Celle-ci vise à augmenter le nombre de donneurs en introduisant le consentement présumé.
René Prêtre se dit favorable à une telle mesure. "Ce n'est pas le seul moyen, mais il est important. Aujourd'hui, le bénéfice du doute profite au "non". Il suffit qu'une personne dans la famille émette un doute sur la volonté du défunt à faire don de ses organes pour que l'on préfère refuser."