"Il y a un certain décalage par rapport à la France. Ici, l'idée n'est pas de savoir ce que pense la famille du patient, mais ce que lui aurait pensé. D'où l'importance d'exprimer nos souhaits dans ce genre de cas", explique dimanche le rédacteur en chef de la Revue médicale suisse dans le 19h30.
Depuis le grave accident de voiture de Vincent Lambert en 2008, sa famille se déchire. D’un côté, sa femme, et plusieurs de ses frères et sœurs, plaident pour arrêter les traitements. De l’autre, ses parents s’opposent à ce qu’ils considèrent comme une euthanasie. Lundi, la cour d'appel de Paris a ordonné le rétablissement des traitements visant à maintenir en vie l'homme de 42 ans. Les soins venaient d'être arrêtés.
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Directives anticipées
Pour Bertrand Kiefer, le recours aux directives anticipées, qui existent en France comme en Suisse, est primordial. "On peut choisir un représentant thérapeutique et il nous représentera si nous nous retrouvons dans une telle situation. Il faut avoir une discussion avec lui pour qu'il comprenne notre philosophie", assure celui qui a été prêtre par le passé.
"C'est beaucoup plus sain et ça évite ces hystéries qui partent autour d'un cas et qui ne pourront de toute façon jamais être résolues par le droit. Comment le droit peut-il entrer dans le détail de la complexité d'une affaire comme celle-là?"
"Agir humainement"
L'ancien membre de la Commission nationale d’éthique affirme que plusieurs cas similaires existent en Suisse et dans d'autres pays. Ils ne sont simplement pas médiatisés, car ils sont mieux gérés par les familles et les équipes soignantes.
"Tout d'un coup, cette affaire sort, mais au quotidien des décisions sont prises dans ces cas extrêmes de la vie. Ce sont toujours des discussions, des partages, des pondérations d'avis et de valeurs qui vont aider à prendre la décision. Il ne faut pas imaginer qu'elle pourra descendre d'une loi ou d'une directive éthique. C'est beaucoup plus complexe que cela, beaucoup plus incertain. Il faut admettre cette incertitude et agir au mieux humainement face à d'autres êtres humains", estime Bertrand Kiefer.
Propos recueillis par Jennifer Covo
Adaptation web: Guillaume Martinez
Des frontières floues
Le cas de Vincent Lambert soulève de nombreuses questions sur les frontières entre la vie et la mort. "Dans l'époque où l'on vit, la médecine crée ces cas-là et les complexifie. Qu'est-ce qu'un être qui n'a plus sa conscience, mais qui reste éveillé? C'est quoi? C'est qui? Il y a des flous, des zones indéterminées", admet Bertrand Kiefer.
"Quelqu'un comme Vincent Lambert n'a plus de relation. Il bouge la tête, il peut pleurer, il a une espèce d'éveil, mais il ne réagit pas. Si on entre en relation avec lui, on ne voit rien dans son cerveau qui réagit", explique le médecin suisse.