Depuis 10 ans, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) proposent une consultation pour les femmes ayant subi des mutilations génitales, sous la direction de Jasmine Abdulcadir. En une décennie, la gynécologue indique n'avoir jamais été sollicitée pour des excisions survenues en Suisse ou lors d'un voyage à l'étranger sur des enfants vivant en Suisse. Depuis 2012, la loi helvétique interdit l'excision et prévoit des peines pénales pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison.
En moyenne, les HUG effectuent 25 consultations par mois sur des femmes de différentes origines. "Durant les dix premières années, nous avons eu des patientes de 21 pays différents et qui viennent pour différentes raisons. Certaines femmes viennent plutôt parce que c'est un sujet tabou dont on ne parle ni dans les communautés, ni dans la famille. D'autres souffrent de problèmes génito-urinaires, obstétriques, sexuels ou psychologique. C'est là qu'on peut offrir un accompagnement et un traitement chirurgical", explique la docteure Jasmine Abdulcadir dans La Matinale.
"Les femmes se réparent toutes seules"
La reconstruction de mutilations génitales passe généralement par des chirurgies, mais les patientes sont aussi actrices de ce processus: "Les femmes se réparent toutes seules. Décider de venir à la consultation, de parler de quelque chose de très privé et tabou, c'est une démarche", explique Jasmine Abdulcadir.
La médecin des HUG insiste sur l'importance de médiatiser les mutilations génitales féminines: "Parfois, des femmes sont venues consulter suite à un reportage en nous disant, 'En fait je ne savais pas qu'on pouvait parler de ça dans une consultation dédiée'. Mais dans la majorité des cas, c'est le désir de grossesse, le mariage ou le début de l'activité sexuelle qui les font venir", précise Jasmine Abdulcadir.
Des estimations de l'OMS font état de 100 à 140 millions de filles et de femmes dans le monde qui ont subi des mutilations génitales. Ces chiffres paraissent impressionnants, mais doivent être pondérés, selon Jasmine Abdulcadir: "Les données montrent que la population globale a augmenté, donc quand on estime le nombre de femmes concernées, on a l'impression qu'en chiffres absolus ça augmente. Mais le pourcentage est en train de diminuer et quand on regarde les tranches d'âge plus jeunes, on voit là aussi que les pratiques diminuent et qu'elles sont moins invasives".
Meilleure formation
En dix ans, les formations dans le domaine de la santé ont également évolué et sont désormais plus pointues: "Avant, il y avait peu de formations à ce sujet. Et dans la pratique, les différents types de mutilation sont parfois difficilement reconnaissables. A présent, ces sujets sont abordés dans les écoles de sage-femme par exemple. Ça va améliorer le diagnostique", analyse la gynécologue.
Propos recueillis par Julien Bangerter
Adaptation web: Jérémie Favre
Un guide créé
Pour protéger les jeunes filles menacées, le Réseau suisse contre l'excision a réalisé un guide en collaboration avec l'UNICEF Suisse sur la question des mutilations génitales et la protection de l'enfance. Identifier les filles qui courent un risque ou celles qui sont déjà touchées, savoir comment réagir de manière adéquate et fournir une assistance appropriée est une tâche très exigeante pour les professionnels. Et souvent, les connaissances manquent pour faire face à cette forme particulière d'atteinte au bien-être des enfants.
Le guide "Excision et protection de l'enfance" est lancé le 6 février à l'occasion de la Journée internationale de tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines et se trouve sur leur site excision.ch .