La PME zurichoise HeiQ a développé il y a six ans un procédé pour traiter les textiles de manière à ce qu’ils éliminent les virus. Le masque avait été conçu à l'époque pour neutraliser un autre coronavirus, le 229E. Les précédentes épidémies, du SARS et du H1N1, dataient déjà respectivement de 2003 et de 2009-2010. Mais depuis, tout le monde a vite oublié la menace des virus et cette innovation a fini au fond d’un tiroir.
Dès les premiers indices d’une nouvelle épidémie, la société a cependant réanimé le projet. Et elle a lancé ce masque très particulier sur le marché en avril.
Un peu plus épais qu'un masque classique
De couleur blanche, il est un peu plus épais qu’un masque chirurgical classique. La solution antivirale est ajoutée au tissu lors de la dernière étape de fabrication du textile. HeiQ a développé un procédé à base de micro-composites d’argent, une solution qui agit contre les odeurs en éliminant les bactéries. Le géant américain des vêtements de sport Patagonia utilise par exemple cette technologie.
L’aspect spécifique anti-virus a été mis au point à Lausanne par le scientifique Thierry Pelet et son équipe de l'EPFL. Ils ont créé une vésicule artificielle (sorte de petit sac membraneux) formée par des lipides et qui attaque l’enveloppe du virus
Le masque a été conçu contre le coronavirus 229E, mais le procédé est tout aussi efficace contre le nouveau coronavirus parce que tous les virus - comme ceux de la grippe ordinaire, l’influenza - sont enveloppés d’une membrane du même type et qui s’appelle péricapsis.
Procédé résistant au lavage
Le masque se salit au fil de son utilisation (quand on parle ou quand on éternue) mais on peut le passer à la machine à laver comme n’importe quel textile. Le procédé antiviral résiste au lavage.
Cette idée est le fruit d’une collaboration entre l'EPFZ et EPFL. "Ce sont deux technologies complémentaires que l'on a mises ensemble", explique Carlo Centonze, cofondateur et CEO d’HeiQ, lundi dans l'émission CQFD. Ce partenariat a débuté vers 2013 et le masque était prêt pour le marché en 2014, "scientifiquement validé", précise le chercheur. Mais personne - industrie et public - ne s'est montré intéressé: "On a dû décider de ne plus investir et accepter qu’il n’y avait pas de marché", déplore l'ingénieur issu de l'EPFZ.
Mais Carlo Centonze a rouvert ses tiroirs très vite lorsqu'il a lu les premiers articles sur le Covid-19 - et a planifié la mise en production. L’entreprise a annoncé le lancement de ces masques antiviraux le 16 mars, date à laquelle le Conseil fédéral décrétait le début du confinement en Suisse.
Pas encore dans les magasins
Dans un premier temps, la production a été réservée aux professionnels. Fabriqués en Chine, ces masques lavables ont déjà été livrés aux hôpitaux suisses et l’armée. Des hôpitaux en ont aussi reçus en Grande-Bretagne, en Italie et aux Etats-Unis.
Parallèlement, la production de 1,6 milliard de pièces a été lancée pour le grand public américain. En Suisse, le processus de commercialisation a débuté mais on ne sait pas encore quand ces masques arriveront dans les magasins.
Mary Vakaridis/oang