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La résistance aux antibios augmente avec les infections urinaires en ligne de mire

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L’antibiorésistance pose de plus en plus de problèmes pour soigner les patients / L'actu en vidéo / 2 min. / le 19 juin 2020
La résistance aux antibiotiques est l'un des problèmes médicaux les plus importants dans le monde. Elle s'explique essentiellement par la surprescription d'antibiotiques. L'antibio-résistance est particulièrement élevée pour les infections urinaires.

"J'ai été sujette aux infections urinaires pendant une dizaine d'années. Elles se sont répétées très régulièrement". A 42 ans, Natacha Romano voit ces 10 années de calvaire enfin derrière elle. Une période difficile, ponctuée par une course aux antibiotiques chez son médecin ou aux urgences durant les week-ends. Mais surtout, des douleurs intenses, de celles qui donnent des larmes en urinant le matin.

La fréquence de ces épisodes s'accélère. Natacha Romano doit faire face à environ une infection toutes les six semaines, toujours plus douloureuses. Son gynécologue la soumet alors à une culture urinaire et un antibiogramme. Verdict: deux souches sont détectées, E. Coli et K. Pneumoniae. Dans les deux cas, on décèle une résistance aux antibiotiques. "L'infectiologue m'a expliqué que j'étais arrivée à un point de non-retour, que j'étais carrément face au mur. Si on continuait comme ceci, la prochaine étape serait l'hospitalisation, avec des antibiotiques par intraveineuse".

Davantage de femmes avant 50 ans

Avant 50 ans, les femmes sont plus nombreuses à souffrir d'infections urinaires, souvent liées aux rapports sexuels. Les hommes sont atteints en moyenne plus tard. Mais l'âge et le sexe ne protègent pas du risque d'avoir une bactérie résistante aux antibiotiques.

La bactérie la plus fréquente en Suisse et dans le monde est la E. coli (Escherichia coli), présente dans notre flore intestinale. Parfois, certaines souches d'E. coli parviennent à envahir les voies urinaires depuis la flore intestinale, provoquant des symptômes tels que des douleurs à la vessie et des brûlures à la miction.

Traitements sans analyses

Pour déterminer quelle souche est présente et s'il y a une résistance, les analystes placent un échantillon d'urine sur une boîte de culture et y appliquent les différents antibiotiques. Mais ce test n'est que très rarement pratiqué par les médecins de premier recours.

"Cela prend du temps avant que la culture pousse, donc les médecins traitent les infections sur la base des symptômes", explique Angela Huttner, infectiologue aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG).

Surprescription d'antibiotiques

Le risque que l'infection remonte dans les reins explique souvent une surprescription d'antibiotiques. Pourtant, la prise d'antibiotiques est justement le premier facteur de développement de souches résistantes, devant le séjour à l'hôpital ou les voyages dans une zone avec beaucoup de bactéries résistantes. C'est donc un cercle vicieux.

Par leur fréquence et donc la prise d'antibiotiques répétée, les infections urinaires sont le principal moteur de ces résistances. Or depuis 2018, une hausse inquiétante de l'antibio-résistance a été observée, selon un rapport publié récemment par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), basé sur plus de deux millions de patients testés dans le monde.

Parmi les antibiotiques les plus problématiques, ceux de la famille des quinolones comme la ciprofloxacine, massivement prescrite pour traiter les infections urinaires ces 50 dernières années. Selon l'OMS, dans certains pays, le taux de résistance à cet antibiotique s'élève à 93%. En Europe, les plus concernés sont les pays du pourtour méditerranéen. Et les infections urinaires récurrentes jouent un rôle important.

De vieux antibios ressortis du placard

Ce phénomène préoccupant est encore accentué par l'absence d'intérêt de l'industrie pharmaceutique à développer de nouvelles molécules, car ces médicaments sont peu rentables.

Depuis 2013, les spécialistes suisses préconisent d'ailleurs l'utilisation de vieux antibiotiques: la nitrofurantoïne et le fosfomycin. "Les bactéries n'avaient pas l'habitude d'être exposées à ces antibiotiques, donc ils avaient moins de résistance. Mais avec une consommation assez fréquente, les bactéries risquent de développer une résistance à ces vieux antibiotiques également", souligne Angela Huttner.

De l'eau et des antidouleurs

Natacha Romano a eu très peur de finir à l'hôpital pour une "simple" infection urinaire, alors que cette dernière n'était même pas remontée dans les reins. "Et si un jour j'ai besoin d'antibiotiques pour quelque chose de plus grave, comment va-t-on me soigner?" s'interroge-t-elle.

Pour venir à bout de son infection, on lui recommande alors de boire beaucoup d'eau, des antidouleurs et du repos. Les antibiotiques ne sont réservés qu'en cas d'épisode aigu. "J'ai pu refaire tout mon système immunitaire, mon microbiote. Depuis, les nouvelles infections ont été très rares", assure la jeune femme, soulagée.

Diminuer la durée

D'après Angela Huttner, il existe deux manières de diminuer les multirésistances: "Premièrement, ne pas prendre d'antibiotiques. Deuxièmement, si la prise d'antibiotiques est nécessaire, raccourcir la durée".

L'infectiologue des HUG s'appuie sur une étude menée en Suisse et parue la semaine dernière. Les résultats montrent que la réduction de la durée des traitements aux antibiotiques n'a pas de conséquence sur l'efficacité de ces traitements. Cette solution offre l'espoir de préserver l'efficacité des produits en limitant l'apparition de résistance.

>> Lire aussi : Des traitements antibiotiques moins longs sont tout aussi efficaces

L'ère post-antibiotiques

Comment soigner un patient qui a beaucoup de souches résistantes aux antibiotiques? "C'est vraiment difficile, répond Angela Huttner. Ici en Suisse, nous avons quelques options par voie intraveineuse. Et c'est dommage de traiter une cystite peu sévère par une hospitalisation. Mais dans certains pays, il n'y a pas d'autre option".

Selon l'infectiologue des HUG, nous sommes désormais entrés dans une ère post-antibiotiques, avec des patients qui luttent pour leur survie, sans l'aide de ces traitements. Comme nos grands-parents l'ont fait, il y a 70 ans.

Aurélie Coulon et Feriel Mestiri

Sujet développé dans le 19h30 du 11 juin

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