Un groupe de 239 scientifiques internationaux a appelé lundi les autorités de santé de la planète et en particulier l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à reconnaître que le nouveau coronavirus peut se propager dans l'air bien au-delà de deux mètres. Ils demandent de recommander par conséquent une ventilation vigoureuse des espaces publics intérieurs (lire encadrés).
Leur lettre vise directement l'organisation onusienne, déjà critiquée pour avoir tardé à recommander les masques, et accusée cette fois de refuser de voir l'accumulation d'indices d'une propagation par l'air du virus.
Jusqu'ici, l'OMS et d'autres organismes sanitaires ont toujours estimé que le coronavirus est principalement transmis par des gouttelettes projetées par la toux, l'éternuement et la parole directement sur le visage de personnes à proximité, et possiblement par des surfaces où ces postillons atterrissent et sont ensuite récupérés par les mains de personnes saines.
Ces gouttelettes sont lourdes et tombent dans un périmètre d'environ un mètre, d'où la priorité donnée dans les consignes sanitaires à la distanciation physique, au lavage des mains et au port du masque.
"Nous devons être ouverts à cette possibilité"
Mais l'OMS a réagi mardi à l'appel des scientifiques sous la forme d'un début de reconnaissance de cette possible contagion. "Nous reconnaissons que des preuves émergent dans ce domaine et par conséquent nous devons être ouverts à cette possibilité et à ses implications, ainsi qu'aux précautions qui doivent être prises", a déclaré une responsable de l'OMS, Benedetta Allegranzi, lors d'une conférence de presse virtuelle.
Médecin adjoint à la direction de la médecine préventive hospitalière au CHUV à Lausanne, Bruno Grandbastien rappelle dans l'émission Forum que le mode de transmission de ce virus, comme d'autres virus respiratoires, est désormais bien connu. "Cette tribune reprend des études qui sont assez bien connues", rappelle-t-il.
"Le mode principal, ce sont les postillons"
Bruno Grandbastien ajoute que les mesures mises en place jusqu'ici et recommandées par l'OMS restent la première barrière et la barrière la plus efficace. "Je pense qu'il faut rassurer un petit peu aussi (…) Il faut quand même garder en tête que le mode principal de transmission, ce sont les postillons qui ne vont pas très, très loin. On a dit 1 mètre 50, 2 mètres… La principale barrière est de garder une distance."
"Faire peur à tout le monde sur le risque de transmission par l'air est peut-être quelque chose d'excessif", ajoute encore le spécialiste
oang avec afp
L'appel des scientifiques internationaux
"Nous appelons la communauté médicale et les organismes nationaux et internationaux compétents à reconnaître le potentiel de transmission aérienne du Covid-19", ont écrit deux scientifiques, Lidia Morawska, de l'université de Queensland (Australie), et Donald Milton, de l'université du Maryland, dans un article signé par 237 autres experts et publié dans la revue Clinical Infectious Diseases d'Oxford.
"Il existe un potentiel important de risque d'inhalation de virus contenus dans des gouttelettes respiratoires microscopiques (microgouttelettes) à des distances courtes et moyennes (jusqu'à plusieurs mètres, de l'ordre de l'échelle d'une pièce), et nous prônons le recours à des mesures préventives pour empêcher cette voie de transmission aérienne", poursuivent-ils.
Il n'y a pas de consensus scientifique que cette voie aérienne joue un rôle dans les contagions: mais Julian Tang, l'un des signataires, de l'université de Leicester, répond que l'OMS n'a pas prouvé l'inverse: "L'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence."
Les conseils de prévention des scientifiques
A l'heure du déconfinement, il est urgent, plaident les experts, de mieux ventiler lieux de travail, écoles, hôpitaux et maisons de retraite, et d'installer des outils de lutte contre les infections tels que des filtres à air sophistiqués et des rayons ultraviolets spéciaux qui tuent les microbes dans les conduits d'aération.
Les autorités aux Etats-Unis et en Europe sont en avance sur l'OMS. "Augmentez la circulation de l'air extérieur autant que possible", conseillent les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) américains.
Le CDC européen a expliqué le 22 juin que la climatisation pouvait diluer le virus dans l'air et l'évacuer, mais qu'elle pouvait avoir l'effet inverse si le système de ventilation ne renouvelait pas l'air et le faisait recirculer dans les mêmes pièces.