Le Prix Nobel de médecine récompense les découvreurs du virus de l'hépatite C
Comme tous les ans, la médecine est la première à briller vers 11h30 à Stockholm pour l'ouverture de la série des Prix Nobel.
Pour le Prix Nobel de médecine 2020, sont récompensés les chercheurs qui ont identifié un nouveau virus, celui de l'hépatite C. Il s'agit du Britannique Michael Houghton (né dans les années 1950) et des Américains Harvey J. Alter (né en 1935) et Charles M. Rice (né en 1952).
Le trio est distingué pour sa "contribution décisive" à la lutte contre cette hépatite, "un problème de santé mondial majeur qui provoque la cirrhose et le cancer du foie" dans le monde, a indiqué le jury Nobel lors de l'annonce.
"Avant leurs travaux, la découverte des virus de l'hépatite A et B avait été un pas en avant décisif", a souligné l'académie.
L'OMS estime que, chaque année, plus de 70 millions de personnes sont infectées par une hépatite C et que la maladie provoque environ 400'000 morts. Des chiffres peut-être sous-évalués, car la maladie n'est pas toujours diagnostiquée, car la plupart des cas ne présentent pas de symptômes.
Une maladie grave
L'hépatite est la maladie qui atteint le plus le foie. Il existe trois types de virus: l'hépatite A est transmise par l'eau et la nourriture.
Les hépatites B et C sont des infections chroniques qui se transmettent par contact avec du sang contaminé. Ces deux maladies ont un impact sur le foie à long terme, pendant des années, voire des dizaines d'années. La maladie peut déboucher sur la cirrhose ou le cancer: une transplantation est alors nécessaire pour la survie du patient. Ces dernières années, des traitements efficaces, quoique très coûteux, ont été développés contre l'hépatite C.
"La découverte du virus de l'hépatite C a révélé la cause des autres cas d'hépatite chronique et a rendu possible des analyses de sang et de nouveaux traitements qui ont sauvé des millions de vies", a souligné l'académie.
Plusieurs étapes pour identifier le virus
A la fin des années 1970, Harvey Alter travaillait dans une banque du sang et suivait des patients atteints d'hépatite chronique. Les hépatites A et B étaient alors connues, mais il a réalisé qu'une autre maladie infectait le sang des sujets et s'attaquait à leur foie: un agent inconnu qui pouvait notamment être transmis aux chimpanzés.
Des années plus tard, Michael Houghton et son équipe, basés au Canada, ont pris une approche moléculaire inédite en clonant le génome de la maladie et en développant un sérum physiologique. En 1989, ils découvrent ainsi la séquence génétique du virus.
Charles Rice a montré ce qui, dans le génome, permettait la transmission aux chimpanzés. Il a décortiqué pendant de longues années la façon dont le virus se répliquait, des travaux qui ont conduit à l'émergence d'un nouveau traitement révolutionnaire au tournant des années 2010, le sofosbuvir.
"Il a apporté la preuve finale que le virus de l'hépatite C pouvait provoquer à lui seul la maladie", a souligné Patrik Ernfors le président du comité qui choisit les lauréats. "C'est assez facile de faire le lien avec la situation actuelle", a-t-il ajouté: "La première chose à faire est d'identifier le virus en cause, et une fois que cela a été fait, c'est le point de départ au développement de traitements de la maladie, ainsi que de vaccins. Donc la découverte virale est un moment critique".
Un réveil très matinal
Le secrétaire général du Comité Nobel, Thomas Perlmann, a annoncé avoir réussi à joindre deux des trois lauréats et de les avoir réveillés: "Ils ne s'y attendaient pas du tout et étaient sans voix. C'était très amusant de leur parler", a-t-il commenté.
"Ils m'ont réveillé, vers 4h15 du matin. Je n'avais même pas réalisé que c'était aujourd'hui. C'est époustouflant", a réagi à la radio publique suédoise Harvey Alter, qui devient à 85 ans l'un des lauréats les plus âgés du Nobel de médecine, sans battre le record qui se hisse à 87 ans.
Les trois scientifiques se partageront la somme de dix millions de couronnes suédoises, soit l'équivalent d'un peu plus d'un million de francs. Ils recevront leur Prix dans leur pays de résidence, vraisemblablement via une ambassade suédoise ou dans leurs universités. Le coronavirus a entraîné l'annulation de la cérémonie physique de remise des prix, le 10 décembre à Stockholm. Une première depuis 1944.
Stéphanie Jaquet et les agences
Après le SIDA, l'hépatite C
Ce prix 2020 est le premier directement lié à un virus depuis celui de 2008, qui avait récompensé les découvreurs français du SIDA, François Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, et un pionnier des papillomavirus, l'Allemand Harald zur Hausen.
Depuis un premier prix – de Chimie – à deux virologues en 1946, ce Nobel vient s'ajouter aux dix-sept Prix Nobel directement ou indirectement liés à des travaux sur les virus.
Avec ce 111e Nobel de Médecine, ils sont désormais 222 individus à s'être vu décerner le Prix "de physiologie ou de médecine" depuis sa création, dont seulement douze femmes.
De la découverte il y a plus d'un demi-siècle de deux types de lymphocytes, B et T, essentiels dans la compréhension de notre système immunitaire, jusqu'à la percée des "ciseaux moléculaires" en génétique dans les années 2010, en passant par des travaux le cancer du sein, plusieurs grandes avancées médicales – et leurs auteurs – étaient citées par les experts comme nobélisables cette année.
D'autres scientifiques avaient été évoqués comme nobélisables pour leurs travaux sur l'hépatite C, l'Allemand Ralf Bartenschlager pour de la recherche fondamentale, et l'Américain Michael Sofia pour la mise au point du sofosbuvir, désormais vendu à prix d'or par le laboratoire Gilead sous le nom de Sovaldi.
afp/sjaq