En France, Didier Pittet livre son premier rapport sur la gestion de la crise du Covid
Didier Pittet avait été mandaté par Emmanuel Macron pour évaluer la gestion de la pandémie dans l'Hexagone. Il dirige depuis juin un groupe de cinq experts.
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Leurs résultats intermédiaires ont été présentés dans un document de 39 pages qui ne pointe pas de dysfonctionnements majeurs ou d'erreurs flagrantes, mais souligne des "défauts manifestes d'anticipation, de préparation et de gestion". Le président Emmanuel Macron doit s'exprimer mercredi soir à la télévision française, sans doute pour annoncer de nouvelles mesures.
"Position intermédiaire"
Par rapport à ses voisins européens, la France occupe "une position intermédiaire" en matière d'excès de mortalité, mais "présente une chute de PIB particulièrement forte", liée "pour l'essentiel à l'intensité des mesures de confinement", constate la mission.
Pour apprécier l'intensité de l'épidémie, le rapport se base principalement sur le nombre de décès par habitant. Il calcule que la France est restée pendant 68 jours au-dessus du seuil d'un décès lié au Covid-19 par million d'habitants, contre 44 jours en Allemagne, mais 97 en Italie. À titre de comparaison, les Etats-Unis, pays le plus touché, dénombrent 183 jours.
"Il y a une série d'éléments problématiques, mais globalement la France est à un niveau intermédiaire" dans sa gestion du Covid, confirme Didier Pittet, interrogé mardi dans Forum. Il pointe essentiellement des défaillances de collaboration entre les différentes agences nationales et de reconnaissance des indicateurs. "Certaines agences locales n'ont pas remonté les bonnes informations au bon moment", expose-t-il.
L'actualité plus récente a été marquée par de fortes tensions entre Paris et les régions, en particulier ces dernières semaines vis-à-vis du sud du pays. Didier Pittet confirme que cette crise a "certainement" montré les limites de la centralisation, soulignant par ailleurs que la France avait déjà commencé à adapter son fontionnement. "Notre rapport ne fait que renforcer ce constat et nous allons faire d'autres proposition utiles" en termes de décentralisation, annonce encore le Genevois.
Déficit de coordination et de communication
Au chapitre des points faibles, le groupe pointe des problèmes dans la disponibilité des masques ou le déploiement des tests. Le rapport pointe même des "insuffisances graves de gestion" des masques, mais souligne que désormais la France est "championne du monde" dans la production de masques en tissu.
"On a vu le déclin progressif du degré de priorité accordé à la prévention des pandémies entre 2010 et 2020", analyse Didier Pittet, qui estime que le virus a "pris de vitesse" la France. Mais il note aussi que "ni l’OMS, ni le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies ne reconnaissaient que le scénario d’une pandémie était probable".
Enfin, la communication du gouvernement français a péché. Or, "la communication a pris une importance unique par rapport aux épidémies du passé", pointe le rapport.
Bonne adaptation des hôpitaux, mais fatigue du personnel
La mission adresse en revanche un bon point à l'exécutif sur sa "gestion des conséquences économiques" de la crise sanitaire, qui lui "apparaît satisfaisante", l'emploi notamment ayant "bien résisté" au regard de l'ampleur du choc sur l'activité économique.
Par ailleurs, le système hospitalier français "a tenu" en faisant preuve d'adaptabilité. Mais l'"effort considérable d'adaptation et de mobilisation" fourni par les professionnels de santé "n'est pas forcément aisément renouvelable dans les mois à venir", avertit le rapport.
Le rapport final doit être remis au mois de décembre.
jop avec ats