Lorsque la pandémie de coronavirus a pris son envolée en mars, la saison de la grippe venait tout juste de démarrer dans l'hémisphère sud. Les pays comme l'Australie ou l'Afrique du Sud n'ont toutefois pas vu arriver la vague de grippe habituelle et les cas d'influenza sont restés à un taux historiquement bas durant les mois de juillet et d'août, au coeur de l'hiver austral.
Les experts s'attendent à un effet similaire en Suisse. Les mesures de précaution prises contre le Covid-19, comme le port du masque, le lavage des mains et les distances sanitaires, permettent de diminuer la transmission par gouttelettes, vecteur du virus responsable de la grippe.
"Si l'on arrive à contrôler l'incidence du Covid-19, cela signifie qu'en même temps, on arrivera à contrôler l'incidence de la grippe", affirme Didier Trono, virologue et expert de la task force nationale du Covid-19, mardi dans le 19h30 A noter que la grippe provoque entre 400 et 1000 décès chaque année en Suisse.
Compétition entre virus
Les scientifiques s'interrogent par ailleurs sur les interactions entre les deux virus. Une étude préliminaire réalisée en Angleterre entre janvier et fin avril 2020 suggère qu'une infection par la grippe diminuerait les risques d'infection par le Covid-19.
En se basant sur des tests réalisés sur près de 20'000 individus pour la grippe et le SARS-CoV-2, les chercheurs affirment que le risque d'être testé positif au Covid-19 chute de 58% lorsque les personnes ont été testées positives à la grippe.
Une étude à prendre avec des pincettes, car elle n'a pas encore été revue par des pairs. Mais elle fait néanmoins référence à un phénomène bien connu en virologie, la compétition entre virus, qui est dirigée par des molécules appelées interférons.
"Quand un virus entre dans une cellule, il lui fait fabriquer des substances qui sont relâchées et qui empêchent d'autres virus d'entrer dans toutes les cellules voisines. Ces interférons établissent donc une sorte de coupe-feu qui fait que l'organisme est de manière non spécifique protégé contre d'autres infections virales", explique Didier Trono.
Les interférons peuvent rester dans le corps des jours voire des semaines. Des résultats précoces montrent que le vaccin contre la grippe pourrait également enclencher cette immunité non spécifique contre le coronavirus. Mais les connaissances sont encore limitées à ce sujet.
Risque d'une double infection
Quant à l'éventualité d'une infection au même moment par les deux virus, elle reste rare, d'autant plus si le virus de la grippe est peu présent. Mais le phénomène est possible et entraîne un facteur aggravant. "Deux études publiées récemment suggèrent que le taux de mortalité est doublé lorsque qu'il y a deux infections", relève Blaise Genton, médecin-chef du Service des maladies infectieuses d'Unisanté à Lausanne.
Plus que jamais, le médecin recommande à la population de se faire vacciner. "Le problème, c'est que les malades de la grippe ont les mêmes symptômes que ceux du Covid. Ces personnes vont vouloir se faire tester et cela va créer un afflux plus important de patients. Les filières sont déjà à flux tendus, il ne faudrait pas qu'elles soient débordées."
En raison d'une forte demande cette année, les doses de vaccins sont distribuées en priorité aux personnes vulnérables et au personnel de santé. Le reste de la population pourra se faire vacciner dès le début de mois de décembre. "En général, les épidémies de grippe arrivent entre la mi-décembre et la mi-mars. En sachant qu'il faut une quinzaine de jours pour construire son immunité, cela laisse un délai raisonnable", conclut Blaise Genton
Aurélie Coulon et Feriel Mestiri